Le voyage de Takoumi

Saison 3

Dernières nouvelles

Diabolo Grenadine

Non, « Grenadine » n’est pas une erreur d’orthographe, il est bien d’usage d’écrire « Les Grenadines ». Toutefois, à l’issue de notre quinzaine dans le sud des Antilles, il convient de reconnaître que Béquia, la plus nord des Grenadines de St-Vincent, est à ce jour, et restera jusqu’à notre prochaine expédition, celle que nous appelons désormais non sans humour « notre île Grenadine préférée ».

Pour mieux comprendre cette étrangeté, il nous faut revenir en arrière de quelques semaines, quand Amandine, notre invitée toute neuve et toute souriante, est récupérée en baie de Fort de France, fraîchement débarquée de l’avion.
Pour commencer, afin de rejoindre Takoumi, nous lui infligeons le supplice de l’annexe. Heureusement, entasser trois adultes et un sac plus gros et lourd que sa propriétaire dans notre ridicule annexe de plage tourne vite à la franche rigolade humide… Et puis on est content de la voir notre copine 😉

Le trajet prévu pour amariner notre nouvelle équipière est un peu audacieux puisque nous prévoyons de quitter Fort de France au matin après une bonne nuit au mouillage pour atterrir directement à Béquia au petit matin, après une nuit en mer, boudant ostensiblement Sainte Lucie et St-Vincent dont nous ne souhaitons pas vérifier la réputation avant d’avoir bien profité des décors majestueux des Grenadines.

Globalement, le trajet se passe bien, pas un pet de vent et des conditions de mer dignes d’une risée Perkins (la marque du moteur), nous dépassons peu à peu tous les points de chute que nous avons repérés comme refuge valide en cas d’inconfort maritime, Grande Anse, le mouillage de Ste-Anne, les deux Pitons de Ste-Lucie et le Lagon Bleu de St-Vincent… Rien à signaler, pas même notre nouveau mousse qui écrasera tout du long du sommeil du juste … Ou du voyageur fatigué par l’avion, c’est selon. Au moins profitera-t-elle d’une belle arrivée à la voile sur l’île. Pavillon de courtoisie et de douane envoyés sous les barres de flèches.

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Les premiers contacts sont sympathiques, nous prenons une bouée et attendons le « percepteur » avec lequel nous lierons des liens quotidiens les jours suivants. Nouvelle séance d’annexe pour rejoindre le rivage, et sans le sac, c’est déjà plus simple.
Les formalités sont ici de simples … formalités … Destinées sans doute à justifier la perception de taxes. Du coup, deux formulaires en triples exemplaires et 3 tampons de visa plus tard, nous partons à la découverte de l’île de Béquia.

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Sur cette île anglophone, Il faut d’ailleurs prononcer [bèqouè]… Et non pas comme moi se poser la première journée la question de savoir pourquoi les gens parlent tout le temps de « la rue de derrière » ou « backway » … Que j’ai pour ma part trouvée sans intérêt et plutôt vide en comparaison du front de mer.

Justement, le front de mer du mouillage de Port Elizabeth, puisque c’est ainsi qu’est nommé le bourg, est assez animé, les taxis proposent leurs services pour la découverte express de l’île et il y a du monde qui se promène le long des échoppes et des stands d’artisanat qui proposent des objets en bois, noix de coco ou os de baleines gravés … Car oui, ici ils pratiquent encore la chasse à la baleine …

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Alors, je rassure tout de suite les esprits de quelques uns que je sens déjà s’échauffer, lors de ces pêches traditionnelles, au vu de l’équipement sommaire et du faible nombre de prises, il me semble bien que ces nobles cétacés aient leurs chances.

Plus loin, mais pas beaucoup plus, les 400 mètres de « centre ville » laissent place à une promenade aménagée en bord de mer longée par de nombreux établissements où se restaurer ou boire un verre accessible également depuis le mouillage grâce à une suite de petit pontons à annexes. Notre premier choix est calamiteux, les menus sont tous plus ou moins « à l’anglaise », mais le concept même du « Fish and chips » à énormément souffert de l’interprétation locale.

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Sans doute pour ne pas rester sur cette vilaine impression, les filles organisent la suite de la visite à l’insu de ma volonté, et me voilà installé de nouveau dans un taxi collectif ici appelé « dollar bus », bien que la course en coûte deux … L’engin est vert paillettes, tuné comme une voiture de Fast and Furious », éructe de sons electro / heavy metal et est blindé de gamins qui rentrent de l’école. Hormis ça, le mode opératoire est curieusement identique à celui de Mindelo avec le chef qui conduit et le gamin qui entasse les voyageurs et empoche à la sortie. Cette fois, le pilote est tellement content d’avoir à côté de lui deux charmantes touristes, qu’il se muera en guide le temps d’une rotation, et c’est lui qui nous déposera dans un bar du quartier d’habitation en nous laissant à l’attention de … Toko.

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Et c’était une bien belle idée de nous laisser là, le maître des lieux, gabarit armoire à glace et tête de repris de justice, Toko donc, se révèle être un hôte agréable, intarissable d’excellents conseils sur les Grenadines et la navigation dans ces lieux.
Le Toko’s bar est face à la mer et le jardinet aménagé accueille une barque de pêche en réfection dont il nous semble que la mise à l’eau prochaine est compromise par la soif de rhum du charpentier qui ponce, qui ponce, qui pionce … 😉
Ensuite, de 100 dollars EC pour chacun une langouste, nous obtenons un menu au tarif négocié de 130 EC pour nous trois, et de la terrasse, nous voyons le cuisinier aller chercher notre langouste à même le vivier, de l’eau jusqu’aux genoux, au milieu de la crique qui borde le restaurant. Ce repas là fut excellent… La fricassée de langouste accompagnée de légumes préparés de manières variées est vraiment très bonne. A la nuit tombée, nous prenons congé de notre hôte et reprenons le « dollars bus » pour rentrer au mouillage ou nous attend une nuit de repos bien méritée.

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Nous restons encore une journée bonus sur Béquia, les lieux nous plaisent, le mouillage est confortable et nous rencontrons Sheryl, la tenancière du restaurant « Fig Tree ». La femme est sympathique et son établissement est proche du bateau, accueillant et pourvu d’un excellent « wifi »… Et ce qui ne gâche rien, les plats sont bons. Nous apprenons aussi qu’elle anime tous les matins une émission radio sur la VHF 68, météo, nouvelles de l’île, promotion des services du mouillage et du bourg, sans oublier les animations du jour. Une belle initiative qui sera je n’en doute pas érigée en « incontournable » de l’île sur tous les prochains guides de navigation. Ce serait vraiment un minimum pour cette belle personne qui s’implique tant dans la vie et développement de son île. La dernière surprise sera de la découvrir présidente du club de lecture pour enfant qu’elle accueille et anime dans son restaurant.

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Cette « dernière » journée sur Béquia est organisée autour d’une séance plage dont le point fort sera le retournement de l’annexe au moment du départ vers le café … Nous apprenons de cette aventure que beacher et quitter une plage avec des vagues n’est jamais exempt de risques, que le sac étanche où nous rangeons tout ce qui craint l’eau à chaque voyage n’est pas une précaution inutile, que l’eau mouille et que le ridicule ne tue pas. A part ça, ni peur, ni mal, l’annexe reste opérationnelle pour la pêche aux oursins que Manuela entreprend dans la foulée, mais dont les espoirs seront douchés après avoir goûté deux spécimens qui apparemment n’ont pas bon goût.

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Au lendemain, nous sommes fin prêts pour partir vers Cariacou, prochaine étape vers Grenade avant une remontée paisible des Grenadines.
Mais la mer est cruelle et Amandine ne se sent pas bien. Nous avions eu la chance qu’elle supporte plutôt bien la première partie du voyage, notamment parce qu’elle dormait profondément. Cette deuxième partie, plus courte et ne comptant qu’une navigation de jour, est effectuée par un bon vent de travers et les vagues qui vont avec. Rien d’exceptionnel, mais pas franchement adapté aux oreilles internes fragiles.

Oreilles fragiles ou pas, le phénomène est fulgurant et moins de 3 heures après l’appareillage, nous décidons de rebrousser chemin. D’une part, nous n’avons pas l’intention de faire subir 10 jours de martyr à notre amie et d’autre part, je soupçonne le mal de mer de n’être pas la cause exclusive de son état et très franchement, je préfère être en Martinique que devant « l’île fantastique » (« fantasy Island » en VO) si nous devons faire face à quelque chose de plus sérieux nécessitant un retour précipité en métropole. Pour l’heure, hors de question de refaire d’une traite le trajet jusqu’en Martinique, le cap est donc mis sur … Béquia … Et c’est ainsi que vous comprenez pourquoi cette île restera jusqu’à notre prochain passage notre Grenadine préférée. Nous sommes tous un peu tristes d’abandonner nos projets, même si nous n’excluons pas de repartir pour un parcours réaménagé « light », mais l’état d’Amandine s’améliore à peine le demi tour effectué, bien que nous soyons alors au près … ce qui nous conforte dans notre décision.

A Port Elizabeth, nous réorganisons la suite à la table de Sheryl. Pas une seule ligne directe entre Béquia et la Martinique. Amandine doit bel et bien subir le retour en terre française avec nous. Sur cet épisode, j’ai froid dans le dos en comprenant que si le cas avait été plus grave, nous aurions été loin de tout « parcours santé » à la française…

Du côté des douanes, à ma grande surprise, cela se passe bien et l’histoire « on est partis et puis, on est pas partis en fait » se résous sans formulaires ni taxes supplémentaires.

Puisque nous sommes à terre pour la journée, aidée de Sheryl et sur une boutade de ma part (parfois, je perds l’occasion de ma taire), Amandine va nous chercher une « rebouteuse » et nous trouver une … « homéopatheuse » ? Son rendez-vous est l’occasion pour Manuela et moi de découvrir les hauteurs de l’île, squattée par les maisons secondaires de riches anglais. Soyons francs, ils n’ont pas réquisitionné les quartiers les plus laids de l’île.

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Comme la journée n’est pas terminée, une promenade touristique s’impose. Nous prenons donc le taxi touriste pour nous rendre au sanctuaire des tortues … Et là, patatras … Sanctuaire mon œil oui … Un vieillard et son exécrable boy gèrent un odieux « mouroir a tortues » où elles sont retenues dans des conditions déplorables pour l’unique enrichissement du propriétaire des lieux aux dépends, des tortues certes, mais aussi des touristes qui paient une fortune pour assister à cette horreur mal emballée par une trop faible aura de respectabilité que sous entend le terme sanctuaire. Pas difficile à démasquer, l’homme est incapable de répondre correctement à quelque question que ce soit concernant les campagne de remise en liberté ou d’éducation des locaux qu’il est pourtant sensé organiser. Ce vieil homme pue la malhonnêteté comme un étron sur le sable.

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Cette mauvaise expérience difficilement avalée, nous rentrons au mouillage pour le dîner au Fig Tree et la nuit à bord… Au lendemain, Amandine est prête pour le voyage retour, les douaniers s’enquièrent de sa santé, un mail envoyé au port pour demander « asile » au port du Marin et l’ancre est prestement levée en fin de matinée.

La journée est superbe, un peu plus secouée que les précédentes, mais avec une bonne vitesse et un cap pas trop calamiteux. Amandine a trouvé une place en hauteur qui si elle ne la préserve pas, au moins, lui convient.
La nuit par contre l’est, calamiteuse, vagues ininterrompues malgré la protection de Ste-Lucie, dérive honteusement énorme et temps de chien. Les quarts de nuit seront, au moment de la traversée Ste-Lucie / Martinique, le théâtre d’une nouvelle partie de cache-cache avec des grains humides à plus de 25 nds de vent.

Encore une fois, le mouillage de Ste-Anne est au petit matin notre refuge, notre havre de paix. Cette fois-ci, ni Manuela ni moi n’avons dormi et une fois tout en ordre, partons nous coucher… C’est avec un ultime espoir que je consulte mes emails … J’hésite deux secondes à prévenir Amandine que j’interpelle depuis ma bannette sans même chercher à me relever. – « Amandine ? » – « oui ? » – « j’ai une nouvelle pour toi, … ce soir, tu dors au port ! » Et je m’endors au son de son cri de joie.

 

Bons baisers de Fort de France !

En remontant vers la baie des Flamands, le mouillage de Fort-de-France qui se trouve gauche du Fort Saint Louis et en aval du Mont Pelé, nous essuyons un grain par 25-30 nœuds! Nous voilà prévenus, le temps change vite dans les Petites Antilles…

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Les quelques jours avant l’arrivée d’Amandine nous permettent de découvrir la ville, son marché un peu trop touristique, ses commerces et ses environs.

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Nous nous avitaillons au Supermarché du petit centre commercial du centre-ville et nous y retrouvons « pris au piège » par la tombée d’une pluie tropicale – par 30 degrés!

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Mais a part ça malheureusement, tout le bord de mer de Fort-de-France est en travaux ainsi que la cathédrale aussi la ville ne se visite pas vraiment lors de notre passage…Donc nous repartons dormir en face, à l’anse Mitan et déjeunons à l’Anse à l’Âne avant de revenir chercher notre amie la veille du début du carnaval Martiniquais!

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Avec une préférence pour la seconde, ces deux petites anses sont un peu peuplées et construites à mon goût après Les anses d’Arlet, mais elles sont un havre de repos pour un WE en rade de la capitale. Nous la rejoignons d’ailleurs en fin d’après-midi 3 milles plus loin et récupérons Amandine au ponton des annexes vers 21h en face du joli parc de la Savane. Le lendemain nous partons faire les formalités de sortie du pays dans la boutique Sea Services à l’autre bout du centre ville heureusement très petit.

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Nous repassons par le marché et les quelques rues animées de Fort-de-France pour rejoindre notre annexe avant le grand départ pour les îles Grenadines. Mais le carnaval bat son plein rue de la Liberté aussi nous nous amusons beaucoup en regardant les écoles défiler avant de reprendre la mer! La musique,les costumes et masques vifs en couleurs et formes représentent si bien la gaité des habitants de ce joli bout de terre que nous prévoyons de quitter une dizaine de jours. En route pour Bequia!

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Le ballet d’Arlet

Après avoir quitté notre mouillage d’accueil de la Martinique nous avons fait route au Nord, contourné l’imposant rocher du diamant et rejoint les anses d’Arlet, Grande Anse plus exactement.

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Connue pour abriter de jolis fonds, tous les matins nous assistons au ballet des tortues, des baigneurs masqués et des annexes nuit et jour qui rejoignent par la plage les « lolos » colorés.

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Cette petite anse m’a subjuguée, nous nous ressourçons sous les cocotiers, dans l’eau très claire, sur le fin sable blanc sous nos pieds nus. Nos matinées sont très occupées par l’observation des tortues et je souhaite les filmer en nageant bien-sûr pour vous faire partager ces instants magiques – malheureusement lorsque je plonge avec la petite caméra étanche je me rends vite compte qu’elle n’est plus tout à fait étanche…Olivier essaiera le riz, le rinçage à l’eau douce pendant 3 jours mais sans succès, la petite caméra est définitivement noyée! Heureusement, nous avons quand même réussi à filmer les tortues au dessus de l’eau – après de nombreuses tentatives – en effet, les tortues ont l’habitude de plonger dès qu’elles voient une caméra…

Nous dégustons notre première langouste et apprenons que, en cette saison, les bons pêcheurs laissent une nacelle 22 jours, assez loin du rivage pour obtenir une bonne pêche à coup sûr. Nous visitons le seul magasin derrière la plage pour trouver quelques légumes et du jambon blanc en boudant les boudins (trop plein) ou les saucisses industrielles. Le reste de la viande y est vendue surgelée, comme les fruits de mer et le poisson. Il y a tout de même quelques pêcheurs qui vendent leurs trouvailles au nord de la plage mais il faut se lever de bonne heure, comme pour les langoustes et les ananas, tous ces trésors partent vite quand il y en a!

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Nous avons passé trois jours très agréables dans ce havre de paix. Nous avons même dansé avec les martiniquais un soir dans un bar au rythme du Stressless band qui chante fièrement les couleurs et richesses de l’île aux fleurs. C’est au terme de cette soirée festive qu’Olivier se rend compte qu’il a égaré les clefs du moteur de l’annexe au moment de rejoindre le bateau! Tout le monde se met à leur recherche y compris les employés du restaurant de plage avec lequel nous avons sympathisé depuis notre arrivee…Je finis par les retrouver dans le sable à côté de l’annexe – tout simplement, l’expérience semble fréquente a Grande Anse en saison …

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Le dernier soir néanmoins nous assistons à une bagarre et alors que nous souhaitons intervenir, une dizaine de personnes nous crient « n’intervenez surtout pas vous!!! ». Par « vous » il faut traduire « blancs » ou métropolitains. Apeurés et surtout surpris nous en parlons avec un couple installé ici depuis 17 ans et découvrons les problèmes récurrents de drogue et de bagarre sur cette plage. L’homme nous raconte les jalousies dont il pense avoir pâti ayant investi quelques affaires qui ont été saccagées avec brutalité avant qu’il ne se résigne à prendre sa retraite. Ils nous parlent « d’avant » lorsque la plage faisait 10 mètres de plus et lorsque le patron du restaurant voisin, personnage très influent et respecté par les populations diverses faisait régner l’ordre, disparu depuis peu….Nous quittons ce mouillage trop vite pour porter un quelconque jugement mais apprécions d’en avoir découvert quelques-unes de ses multiples facettes, en attendant d’y revenir peut-être prochainement. Pour l’heure nous allons découvrir Fort de France où nous avons RDV dans 3 jours avec Amandine qui vient passer un peu plus de 10 jours à bord de Takoumi!

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Relax Mart’

A l’issue de la folle traversée, notre première envie n’est pas, curieusement, de rejoindre la terre ferme. Peut-être avons nous besoins d’une transition douce, toujours est-il que nous faisons mouillage deux jours dans la baie de Caritan, à l’abri de l’océan que nous venons de franchir et à quelques brasses du port du Marin.

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Cette courte et attendue retraite n’est interrompue que par une expédition à terre pour découvrir le village de St-Anne, boire un ti-punch et s’avitailler en produits frais et français, comme de l’emmental et une buche de fromage de chèvre…

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Nous préparons aussi notre arrivée à terre en contactant le port pour la première fois. Bien entendu, il est un peu tard pour « réserver » une place, mais le courant passe bien (au téléphone, pas au milieu du port 😉 ) et la décision est prise de s’approcher du port des le lendemain et de reprendre contact. Nous aurons le plaisir d’être accueillis comme si nous avions réservés.

En plus, des notre arrivée, un voisin se précipite pour nous aider à prendre nos amarres et nous reconnaissons Jean-Luc du Saint-James, partis un jours avant nous et avec lesquels nous avions partagé leur dernière soirée à Mindelo et que nous retrouvons sur le même ponton à deux places de nous, ce n’est pas si grand que ça l’Atlantique finalement. La manœuvre de Manuela est superbe, le voisin pense avoir été heurté, mais je suis bien certain qu’il n’en est rien et une fois son stress retombé, Andes sera un voisin fort sympathique. Sur notre autre bord, Gérard et Anne-Marie de Phillines III, sont eux, toujours d’humeur joyeuse et seront d’excellent conseil. Ils ont une grande expérience des Caraïbes car ils hivernent chaque année au Venezuela pour revenir en saison.

Nous prenons quand même congés de tout ce petit monde le soir même afin de retrouver Jean-Camille, Delphine et Mathis de Kalisea dès le premier soir… Nous sommes impatients de les retrouver; C’est une agréable surprise d’apprendre qu’ils sont au Marin en même temps que nous. Dés le premier soir soir, le programme est donc, apéritif-dîner au bar du port. Manuela et moi nous jetons sur une piérrade au bœuf… Ça manque la viande en traversée 😉

Et puis la semaine suis son cours, laverie pour nos habits, courtes promenades aux alentours de la marina, déjeuners et dîners dans les restaurants du port, découverte de la ville, visites aux shipchandlers locaux pour les menues réparations ou remplacements de matériel. Cette semaine bien remplie, au départ toujours repoussé un peu plus, est conclue in-extremis par le remplacement de nos deux batteries (mea-culpa, les batteries avec entretiens ne s’entretiennent pas seules, j’ai donc expérimenter un nouveau type type de « batteries sèches » et cela ne fonctionne pas bien) et enfin, la commande d’un nouveau génois.

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Nous assistons aussi à la régate locale de Yoles, déjeunons et dînons au Marin-Mouillage qui prépare les soirs de week-end d’excellents travers de porc au barbecue avec de la « sauce chien » … « Sauce chien, c’est pour l’odeur hein, c’est pas fait avec du chien » prends la peine de nous préciser la maîtresse des lieus. Par contre, chaque tentative d’aller au marché local se solde par un échec face à une halle vide et fermée. Quand ça ne veux pas, ça ne veux pas… Nous irons donc au supermarché pour les légumes aussi… Sauf pour une série de boudins, qui sont quand même des spécialités locales.

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Une autre aventure cette semaine est le déjeuner au mouillage à bord de Kalisea. La journée est une réussite, l’accueil à bord est toujours un plaisir. C’est au retour, après avoir pris congé de nos hôtes que la situations se gâte. En fait, le mouillage de St-Anne est quand même assez loin du port et nous les avons rejoins en annexe … Bien que j’ai pris la précaution de remplir le réservoir à ras bord, la réserve de fuel se révèle insuffisantes et ce qu’il conviens désormais d’appeler une « expédition » ne trouve sa conclusion qu’à la nuit tombée, après plus d’une heure et demi de … rames … C’est épuisant 😉 En plus, les Kaliséens s’inquiètent de ne pas avoir plus tôt de nos nouvelles aussi vite que prévu font sonner nos téléphones alors que nous « galèrons » au milieu de la baie 😉 L’épopée est comique … Et est largement commentée lors de notre ultime soirée avec eux au Zanzi-Bar, un fameux restaurant du bord de mer.

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Et devinez comment nous choisissons de nous remettre de notre atterrissage ? Et bien, exactement comme il a commencé, en profitant de deux jours de mouillage au calme a l’abri de l’Anse Caritan.

L’heure des comptes, « des chiffres et des faits »

Recette de la traversée. Pour une bonne traversée, il nous a fallu:

Parcourir environ 2200 miles en perdant seulement 4 kgs…

Consommer

Eau douce – 225 litres soit une peu plus de 13 litres par jour, utilisée seulement pour
* laver les aliments (légumes, poissons)
* rincer les verres (toute la vaisselle à l’eau de mer par ailleurs)
* la dernière eau de rinçage de nos douches (également à l’eau de mer)
NB: nous avons gardé la lessive pour notre arrivée au port – 10 -15 kgs je pense si on inclut vestes de quart etc. Moins si nous jetons enfin les quelques T-shirts et shorts usés que nous avions réservés pour la traversée – nous n’avons pas fait de concours de beauté non plus pendant l’épopée !

Boissons
Eau Potable (bouteilles) – 43 litres soit un peu plus d’1,25 litres par jour et par personne.
Vin – 7 litres soit 20 cl par jour et par personne (en comptant les fêtes…)
Jus d’orange (Manue seulement) – 4,8 litres soit 28 cl par jour
Divers (Olivier seulement) nsp
Lait – 7 litres soit 20 cl par jour et par personne
Café – 3 x 250g / 1 litre par jour (thermos) soit 50 cl par jour et par personne
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Total environ 2,5 litres par jour et par personne

Heures Moteur – 58 heures dont
* 8 heures d’affilée = un jour de pétole
* 45 heures sous voiles – seulement pour charger les batteries (peut-être évitables avec une éolienne que nous n’avons pas???)
Consommation de diesel – 120 litres sur 350 soit 1/3 du plein
Consommation moyenne – 2,07 litres par heure (2,77 l/h en prise à 2000 trs/min et 1,85l/h à 1500 trs/min pas en prise)

Poissons – 2 (39 cm et 64 cm) Leurres perdus – 2 (Arghhh)
Pain – 10 x 125g (poids d’une demi-baguette pré-cuite) soit 1,250 kgs / 37g par personne et par jour

Sucre en morceaux – 250 g pour toute la traversée (peu!)
6 ou 8 soupes chinoises pour les 3-4 soirées où on était crevés, la plupart pendant la première semaine de traversée…
Beurre – 600 g dont 250 g pour le quatre-quarts
Céréales – 300 g
Beaucoup (trop) de Twix, Prince, Mars, Snickers, Lions, bonbons, un peu de lait concentré, de Dulce de leche, d’oreo cookies, de chips ahoy et du quatre-quarts ?
Sopalin – beaucoup trop mais il en reste des tonnes
Piles – ben pareil…

Réparer le bateau
Casse, Pannes ou pannettes – 5 – 1 génois déchiré, courroie et embase de l’alternateur d’arbre, fuite et relai à changer du pilote automatique, batteries qui se rechargent mal.
Un épisode (heureux) de récupération d’homme à la mer

Allures, configuration des voiles
Au portant – génois seul ou grand-voile seule – plus l’artimon par temps plus calme (rare) Par vent arrière la grand – voile était arrimée (système de poulies avec retour et fixation sur les taquets dans le cockpit)
Tangon…spi, nous avons fait plusieurs essais mais jugés galères
Au près et au travers – Grand-voile plus génois (un ou deux ris, génois enroulé au premier point ou au tiers)

Sécurité, confort
Les gilets quasi en permanence – la nuit et un peu pendant la journée notamment quand on est seul à la veille.
Tel satellite – bien marché pour récupérer les gribs météo tous les 3 jours pour la zone
Mode vent du pilote utilisé 75% du temps pour éviter les empannages (bateau rouleur, vagues et vent très changeants!).

Tauds latéraux dans le cockpit laissés durant 99% de la traversée (protègent du vent et de la pluie – même si au portant ils ne servent pas à grand chose). Les marques des ris rendent la prise de ris ultra- simple et évitent que la bôme n’explose tout sur son passage au dessus de la casquette. L’annexe bien rangée dans son coffre ne nous a pas dérangés en prenant le vent.
Mais attention, les balancines ont tendance à s’accrocher sur les barres de flèches lors des manœuvres (artimon et grand-voile!) donc à reprendre avant! Les écoutes de génois partent également facilement sous la coque si tu n’y fais pas attention. Et attention à la drisse de spi en enroulant le génois – elle peut facilement se prendre dans l’engrenage ; il arrive fréquemment que la bosse d’enrouleur ou les écoutes se prennent soit dans le taquet tribord avant ou le taquet du guindeau. Pour les hublots, c’est pareil, nous les fermions par précaution pour laisser le champ libre aux écoutes sur le pont. A part ça, nous traînons deux soucis que nous peinons à régler sur le Sharki depuis le début du voyage- une fuite sur le circuit d’eau douce (nous éteignons la pompe après chaque utilisation) et LA fuite d’huile moteur qui tapit amplement et copieusement le fond du puisard. Si vous avez des solutions (simples de préférence…) nous sommes preneurs!

Sommeil – nous dormions à la gîte dans la cabine propriétaire et parfois dans le carré – nous n’avons pas utilisé les planches anti-roulis parce que jugées trop bruyantes et la couchette trop exiguë et inconfortable.

Vêtements – combis de pluie et vestes de quart, chapka (pour prévenir les otites) pantalon chaud et shorts usés ! Trop peu de crème solaire….maillot de bain mis deux fois seulement !

Les élucubrations d’Olivier

30 déc.

L’Atlantique comme le saut à l’élastique. On débranche son cerveau et on saute.
Nous sommes partis par beau temps et bon vent. GV 2 ris et génois partiel.
Mais une fois au centre de la passe entre Sao Vincente et San Antao, on s’est fait surprendre par le couloir d’accélération du vent dans lequel nous pensions déjà être… Rafales à 40 nœuds… On affale la GV vite fait bien fait et on enroule encore un peu de génois…. Ça nous rappelle à notre bon souvenir qu’on ne parts pas pour déjeuner aux îles.
Après un bon moment, tout est réglé propre… Toujours autant de vent.
Je m’accorde une sieste, interrompue quelques dizaines de minutes plus tard par …. Une vraie pétole, d’un coup d’un seul…
Certes, il reste un peu de vent, mais il viens du nord ouest …. On avance donc au près, c’est original pour une croisière dans les alizés …
Mais le vent faiblit encore et le génois bat, rague et se déchire sur la barre de flèche, elle commence bien cette transat…. Nous avons encore le choix… Retourner a Mindelo ? Je ne pense pas y trouver un bon voilier… Réparer ? Nous avons ce qu’il faut à bord… Aller se mètre au mouillage de San Antao pour réparer au calme ? … Finalement, nous ne quittons pas notre route réparons sur place la déchirure de 25 cm avec adhésif magique et speedy stitcher … Beau travail, long et pas facile, mais résultat honorable… Nous n’aurions pas beaucoup mieux fait au port finalement.
Mais réparer une voile, c’est bien, mais ça ne fait pas revenir le vent dont les rares frémissements viennent du sud-est maintenant, de plus en plus improbable …
On essai tout pour ne pas allumer le moteur ni abîmer notre réparation, dérive face au vent, arrière aux vagues, dans la bonne direction… Rien. N’y fait, finalement, on remet le moteur pour 1 heure, nous verrons bien !

31 déc
La première nuit est passée sans douleur. Beaucoup de vent finalement et des vagues qui, parfois, déferlent sur la coque selon un angle malvenu.
La lune nous accompagne cette fois, elle apparaît vers une heure du matin pour éclairer une belle nuit sans nuages.
La journée, génois déroulé est plus efficace, mais les vagues restent impressionnantes quand même. Et puis encore une fois, qu’est ce que c’est désert la mer …
Nous ouvrons une bouteille de vin blanc des Canaries offerte par Tota pour le denier apéro de l’année et le dîner du réveillon. Nous profitons de cette occasion pour exploser la bombe de confettis, trompette, déguisement et boules de papier apportée à bords par Myriam et Stéphane avant notre départ…
Le dîner est donc largement amélioré du quotidien, foie gras sur toast, chapon au champignon. Par contre rien d’exceptionnel n’est prévu pour le confort et la praticabilité de la table. Le dîner de réveillon du nouvel an est aussi difficile à dompter que n’importe quel autre. Peut être un peu plus même, dans la mesure où nous avons essayé d’utiliser des assiettes plates que nous trouvons bien plus jolies 😉 Mauvais plan pour un plat en sauce … le chapon sera donc finalement servi dans des assiettes à soupe en plastique 😉
La nuit est un poil plus calme que la précédente, il ne fait aucun doute que nous commençons à nous y faire en fait.

1 Jan
Magnifique soleil pour ce jour de l’an et des confettis en forme de cœur épars dans le cockpit 😉 On va voir combien de temps ils résistent 😉
Quelques Sms de Noël nous apporte un bon soutiens et des encouragements.
Donc « on remet les watts » – on déroule le génois en grand en fait – et c’est repartis.
Nous allons même jusqu’à tester notre générateur pour recharger les batteries… Bon, la première mise en œuvre est fastidieuse, il y a de l’essence, mais pas assez en fait, et le roulis fini toujours par désamorcer l’arrivée d’essence. Ensuite, des que nous branchons le générateur a la prise de bords, il part en « vrille », ou plutôt en surcharge. La solution sera de brancher directement le chargeur au générateur, mais quel branchement stupide au sein du bateau peut bien provoquer cette surcharge ? Je préfère penser que notre rallonge est si « pourrie » qu’elle génère une forte résistance rien qu’en existant… Ou peut-être ai je inverser la polarité des fils en montant mon adaptateur maison ? Ce serait curieux, depuis toute prise de quai, la polarité n’a aucune importance normalement… Bon je verrais bien un jour si j’ai la possibilité de faire des tests… En même temps, nous ne sommes pas pressés de retenter l’expérience, l’engin fait un boucan du diable et rends immédiatement tous points du bateau impropre à la vie humaine … Et pour pas grand chose en plus, en une heure, la charge est faible … Le « bidule a bruit » sera donc réservé à un usage de secours … Ou peut-être pour faire fuir des voisins au mouillage ?
Dans le même temps, la préparation du déjeuner nous réserve un très, mais vraiment très, vilaine surprise … Le pilote épanche son huile sur l’égouttoir à vaisselle 🙁 Sans pilote, c’est cuit pour la traversée idyllique, déjà que les vagues nous font la misère, alors si nous devons barrer en plus de ça…
Le déjeuner est donc expédié pour laisser place à la recherche d’une hypothétique documentation qui nous ne retrouvons pas et qui n’a peut-être jamais existé, dommage, j’aurai au moins aimé savoir à quoi peut bien servir cette huile des ce mécanisme. Nous nous retournons donc directement vers l’objet de nos craintes pour l’ausculter et la fuite semble provenir d’un écrou borgne qui doit sans doute maintenir un axe à l’intérieur du corps en métal. Dans un premier temps, resserrer l’écrou nous donne de l’espoir et une bonne heure de relative quiétude en attendant une ultime vérification qui révèle l’inefficacité de la manœuvre… Qu’à cela ne tienne, le but est de permettre au pilote de conserver l’huile qui lui reste et dont nous ne comprenons toujours pas l’usage, alors ainsi soit-il et nous nous « risquons » à utiliser du sikaflex pour circonscrire l’hémorragie sous une copieuse et honteuse couche de « produit du diable » qui, je le rappelle présente avant tout l’extraordinaire faculté de se coller partout sauf où tu le prévois. Heureusement, notre désormais solide expérience de ce joint-colle nous permet de nous tirer honorablement de cette tâche. Reste à savoir qui de l’huile ou du sikaflex aura le dernier mot. A l’heure tardive ou j’écris ces lignes, il semble que l’affreuse pâte blanche ai pris le dessus sur l’insidieuse huile fine. C’est déjà ça de pris.
Entre temps, il a aussi fallu s’occuper de l’alternateur d’arbre, soit disant contrôlé à Palma de Majorque, ce dernier fait lui aussi sa petite crise. Mais là, c’est plus simple, le montage subit de telle contrainte qu’il semble se déformer a l’usage, il nous faudra contrôler régulièrement son attache pour conserver une tension « d’usage » à la courroie. On a eu un peu de chance, au début, je pensais que l’alternateur lui même se déformais. C’est peut-être vrais, mais temps qu’il suffit de retendre la fixation autant qu’il est possible, moi, ça me va.
Et voilà terminée les péripéties mécanique de la journée. Mais comme on est en manque de veine en ce premier de l’an, notre repos pourtant bien mérité est méchamment mis à mal par une soudaine montée en force du vent et des vagues associés à l’apparition de menaçants nuages sombres qui nous prédisent une nuit noire ou presque, ainsi qu’un dîner agité.
A ce moment là, je me pose la question de savoir si notre transat est une transat « normale » jusque là. Et si c’est bien le cas, ce qui peux pousser autant de gens à revivre cette expérience plus d’une fois dans leur vie…
Et a l’heure tardive ou j’écris ces dernières lignes, bien qu’un calme relatif soit revenu, il s’accompagne encore de quelques rafales, histoire de nous souvenir s’il était possible de l’oublier « qu’on est pas en vacances ici …  »

2 Jan
Super journée, beau temps, bonne température, vent soutenu et vagues sinon raisonnables au moins praticables.
Le pilote va bien, il ne présente pas de signe de fatigue et l’odieux plâtrage au Sikaflex a arrêté l’hémorragie. Le générateur d’arbre génère du tonnerre 😉
Dommage que la nuit qui suit soit aussi chaotique. Des la nuit tombée, le vent qui se renforce, je veux bien, mais les vagues qui vont avec, je n’en veux pas, merci bien.

3 Jan
Encore une superbe journée hormis quelques nuages en matinée, juste la reprise de la fuite du pilote, encore du Sika, et encore quelques fuites. Mais cela semble négligeable maintenant … À surveiller de près.
Par contre, encore un début de nuit difficile et agité. Pourtant, moins de vent que notre ordinaire, mais les vagues … Ah, les vagues !
Et puis, au réveil d’un quart de repos, c’est la guerre dans le cockpit, plus de 30 nœuds, génois enroulé suffisamment pour être comparé au top d’un bikini tropezien, la situation demeure chaotique. « Y a pas l’choix », les yeux et l’esprit encore voilés par les brumes du sommeil, l’affalage sauvage de l’artimon rends immédiatement sa sérénité à l’embarcation … Par contre, « on se traine », mais confortablement.

4 Jan
Bon, nous ne nous sommes pas traîné confortablement bien longtemps et la nuit se révèle aussi agitée que les autres. Du coup, au réveil, un net déficit de sommeil, que j’entreprends d’aggraver aussi sec par une tentative, sans réussite, de mise en place d’un ris pour l’artimon. Le déjeuner nous trouve exténués.
Dans l’après midi, nous finissons par trouver un équilibre du tonnerre pour le génois seul un peu enroule mais pas trop. Nous en serons gratifiés d’une pointe de vitesse à presque 12 nœuds, et dans un confort acceptable.
Mais la nuit s’annonce, et comme à notre habitude, nous réduisons encore pour éviter d’être surpris. Bien nous en prends, car comme à son habitude, le vent redouble d’effort une fois le soleil couché … Et c’est encore une nuit de folle « cavalcade » qui se présente avec des rafales à pas moins de 30 nœuds apparents, soit presque 40 nœuds de vent réel … Un vrai rodéo où boire un café sans le renverser est une gageure.

5 Jan
J’ai pris la météo aujourd’hui, le rodéo va bientôt cesser … Mais la belle vélocité aussi. Pas grave, nous avons le temps et un peu de confort ne nous fera pas de mal.
Est prévu ces prochains jours:
– Une première accalmie demain soir mercredi, le vent moyen passera de 20 nœuds (tu parle, 25-30 oui) a 15
– Samedi et dimanche par contre, c’est pétole ou presque. Notre moyenne va en prendre un sale coup.

6 Jan
A l’usage, c’est dés le matin que le vent et les vagues se calment. Dans un premier temps, cela nous réconforte et les conditions de vie s’améliorent. Manue va pouvoir pêcher un superbe poisson qui constituera notre dîner.
Par contre, nous nous rendons compte assez vite que cet adoucissement va déjà porter un coup sérieux à notre capacité à arriver avant nos meilleures prévisions établies sur les performances records de ces derniers jours. Maintenant, je redoute vraiment la pétole prévue ce weekend end. Nous verrons bien.

Entre le 6 et le 7 Jan
A 07h50 ce 7 janvier 2016, nous avons franchi le méridien au centre de notre traversée.
Désormais, la distance au but devient plus faible que la distance à l’origine.
À définir si à cet instant précis, il ne reste à parcourir que la moitié où si la moitie a déjà été parcourue 😉
Dans tous les cas, nous n’avons jamais été plus loin de toute terre qu’à ce moment là !

7 Jan
Jour de calme, nuit de « grains », comme d’hab’ quoi.

8 Jan
Belle journée pour notre traversée, bien que très chargée en formations nuageuses. Et encore une fois, la nuit se révèle chahutée.
Grande nouveauté, cette fois, nous avons conservé la grand voile à deux ris plutôt que le génois. Dans cette nuit noire cette configuration est loin d’être performante, mais le confort est meilleur et la stabilité globale grandement améliorée. Et surtout quel confort de ne pas avoir à se préoccuper de l’absence de vent grâce à la retenue de bôme installée, ni du risque d’empennage grâce au « mode vent » du pilote automatique.
Bon maintenant, il nous reste à trouver quelque chose contre la pluie 😉 La veste de quart, c’est top, mais les températures sont douces ici et c’est dommage de s’enfermer dans un vêtement aussi chaud.
Un seul bémol … Mais de taille, nous ne nous dirigeons pas vraiment la ou nous devrions… « La faute aux grains » qui génère en leurs sein une rotation des vents qui ne nous est vraiment pas favorable.

9 Jan
Peu à peu, le calme s’invite à notre navigation. La mer est encore un peu agitée, mais les soubresauts du bateau sont de moins en moins gênants. Et puis, nous avançons encore bien malgré la chute de vent annoncée.
Nous sommes toutefois soucieux de notre capacité à continuer à un rythme correct car la météo que nous avons consultée aujourd’hui prédit deux jours de très grand calme dimanche et lundi. Enfin, nous verrons bien.

10 Jan
C’est tout vu. Si cette journée s’est déroulée sous un ciel superbe et un très chaud soleil, malgré un temps de demoiselle, nous avions quand même de quoi avancer sinon en fanfare, au moins convenablement.
Pour moi, l’après midi est à l’établissement du record de siestes de la traversée. Elles ne sont entrecoupées que par quelques bricolages.
Entre autres, un nouveau collage a la super glue bon marché du bol en verre de la cafetière Bodum que j’ai brisé avant hier et que Manue a cassé de nouveau hier soir. Cette séance de collage est une presque réussite, aucune nouvelle tâche de colle à côté et aucune nouvelle coupure aux mains c’est au moins deux choses de mieux que la première tentative;-), à défaut d’avoir recollé les morceaux aussi proprement ;-(. Bon, nous sommes d’accord, la colle cyano ne va pas donner de résultats extraordinaires sur le verre (pour peu que ce soit bien du verre, je trouve la matière, comment dire … curieuse), mais je n’en attends qu’une résistance de quelques jours, histoire de terminer la traversée.
C’est au crépuscule, alors qu’une relative fraîcheur nous sort de la torpeur de notre lascive journée, que la pétole annoncée nous cueille au dépourvu. Une telle absence de vent n’était prévue que le lendemain !
Nous avançons donc au moteur, dans la nuit, sur une mer d’huile. Surprenante condition de la surface de l’Atlantique pour nous qui avons connus au début de la traversée des montagnes liquides qui déferlaient plus haut que nos têtes.
Pour le coup, c’est une torture d’avancer au moteur, nous aimerions tellement profiter de la quiétude de cette période de calme plat … mais nous laisser dériver deux jours ne nous tente pas plus que ça car la zone de haute pression pourrait s’éterniser sur place et nous de même, jusqu’à ce que vienne nous cueillir la perturbation qui devrait venir du nord avec son cortège de grains, de pluies et de coup de vent dans un environnement nuageux. Nous choisissons donc de tracer notre route au travers de cette bulle de haute pression avec l’espoir d’en sortir plus vite que nous y sommes entrés et de trouver de l’autre côté une nouvelle dynamique de vents favorables.

Dans la nuit du 10 au 11 Jan
Péripétie ultime pour cette journée du 10, quelques dizaines de minutes avant la fin de mon quart, le pilote automatique accuse un sérieux coup de pompe, puis reprends son travail. Ce n’est qu’au début du quart de Manue qu’il se décide à abandonner son poste sans même un dernier râle …
Bon, nous ne sommes plus qu’à 600 milles du but plus ou moins, la situation est beaucoup moins critique que s’il avait lâché au début du trajet. Nous pouvons barrer sur cette distance, nous arriverions lessivés, courbaturés sans aucun doute avec les yeux rouges de fatigue, certes, mais nous arriverions.
Nous préférons quand même lui/nous donner immédiatement une chance et nous rendons séance tenante au chevet du malade, sur le coup de 4h du matin UTC soit peu ou prou au milieu de la nuit.
Pas de température, l’hémorragie d’huile n’est plus qu’un souvenir que seul l’odieux plâtre de Sika révèle, aucun bruit mécanique, donc rien n’explique ce brutal abandon de poste …
Dans le doute, et bien que les symptômes soient différents, nous entreprenons de changer la pièce électrique qui avait déjà fait défaut en Sicile. Le choix est hasardeux, comme un diagnostic de « Dr House », mais c’est de toute façon le seul traitement pour lequel nous disposons d’une prothèse de rechange.
Heureusement, je commence a bien connaître les entrailles de la bête et en moins de 15 minutes chrono, le patient est ouvert, opéré et refermé. Plus rapide que l’opération d’un furoncle dans « Greys Anatomy » … Et ça marche !
Immédiatement après son réveil, le pilote est remis au travaux forcés, peut-être pas à perpert’, mais il doit nous donner encore quelques jours de services avant de pouvoir être sérieusement révisé.
Du coup, une pièce qui tiens moins de 6 mois justifie pleinement les deux de rechanges que le « réparateur » nous avait vendues en plus de celle remplacée. Mais 6 mois de durée effective, je trouve ça court pour une pièce que l’on trouve dans toutes les automobiles et dont personne n’entends jamais parler …

11 Jan
Superbe journée, soleil brûlant, ciel bleu et calme plat. Ce ne sera pas une bonne journée pour notre moyenne, mais là n’est pas le sujet du jour.
Car aujourd’hui, nous prenons un bain de mer au beau milieux de l’Atlantique … Expérience « surréaliste » s’il en est, j’avais bien peur que les conditions ne fussent réunies avant la fin de la traversée et c’est quelque chose que j’avais tant envie de faire que nous ne boudons pas notre bonheur.
Cette journée magique est comble pour Manuela quand elle pêche une nouvelle dorade coryphène de belle taille après 2 jours à ne remonter que des algues. Voilà une pêche que j’apprécie aussi, car la totalité de la manœuvre (pêche, remontée, nettoyage du poisson et découpage des filets) s’est déroulée pendant ma sieste 😉

12 Jan
Pas grand chose à dire de cette morne journée où la grisaille d’un ciel nuageux occulte le soleil et sa chaleur.
Par contre, la soirée et une bonne partie de la nuit est sous le sceau de l’équilibre et des performances sous voiles. Quel plaisir de ressentir la puissance et la douceur dans chaque accélération du bateau qui, travers au vent et à une douce houle, évolue dans un ratio de 6 nds de vitesse pour 11 à 12 nds de vent.
C’est au moment précis où Manue prends son quart que le vent monte sous d’invisibles nuages cachés par la nuit noire. Les performances sont toujours au rendez vous, mais l’augmentation des forces en jeux instille l’inquiétude et dénie les sentiments de confiance et de sérénité de mise jusque là.

13 Jan
C’est un fait que la nature même de ce que nous sommes en train de vivre nous interdit de considérer un jour comme « banal » … Il ne se passe pourtant pas grand chose aujourd’hui.
Je sais que nous sommes encore « loin » de notre destination, mais nous ne pouvons réprimer un sentiment de « nous arrivons bientôt ». Peut-être que 2/3 jours paraissent être une durée « humainement acceptable » au regard des 14 derniers jours ? Ou encore cette impression est-elle renforcée par la lecture des cartes électroniques qui peu à peu nous permettent de distinguer de plus en plus de détails des îles sur le même écran que notre position ? N’est-ce pas aussi le fait que suivre un bon cap a plus d’importance qu’il y a quelques jours ?
Quoi qu’il en soit, je me suis surpris une ou deux fois à réprimer une pensée ou une autre en fonction du vieil adage qui veut que rien ne soit acquis tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie …
Il va pourtant bien falloir réfléchir à ce que nous allons faire ensuite … Mais dors et déjà, nous aspirons surtout à profiter d’une ou plusieurs siestes géantes !

14 Jan
Une fois de plus, une journée ni très confortable, ni très performante. Selon la météo, c’est demain que nous devrions accélérer pour une dernière portion que nous espérons … en ligne droite, ce qui n’est jamais une évidence.
Et en fait, c’est en pleine nuit que l’accélération survient, comme souvent, au début du quart de Manuela vers 4 heure du matin. Les performances et le confort s’améliorent quelque peu avec la vitesse, mais quelques gouttes de pluie s’invitent à la fête. C’est dommage parce que les plus de 26 nds de vent au portant seraient grisants s’ils s’accompagnaient d’un fond de l’air chaud et sec. En général, j’aime bien lire depuis le cockpit, mais la, c’est un peu casse pieds de ne sortir du carré que pour une trilogie qui peine à se renouveler « tour de veille / pluie / clope ».
Encore aujourd’hui, j’essaie, sans grande réussite, de repousser les pensées liées à l’arrivée, sans doute après demain. Et une nouvelle idée, que je peine à ignorer, viens de faire irruption, à partir de quand verrons nous les premiers signes de la terre ? Au soir ? Dans la nuit ? Ou bien seulement au matin ?
Et immédiatement d’y associer l’image imaginée et curieusement divertissante d’une vignette de bande dessinée représentant la vigie numide des pirates d’Asterix le Gaulois dans son baquet criant dans sa bulle « Te’we, Te’we, je vois la Te’we » !

15 Jan
La journée est plutôt calme, nous n’avons même pas daigner renvoyer le ris pris la nuit passée. Non pas que le vent soit fort, mais nous n’avons pas cherchés à aller plus vite que ça. Peut-être une sorte d’accord tacite ou inavoué pour ne pas arriver trop vite … En même temps, il est vrais que nous ne souhaitons pas approcher l’île de nuit.
Cette nuit d’ailleurs qui nous réserve une ultime série de pluies légères et un cap mauvais comme il n’est pas permis, comme pour nous rappeler que même si nous l’avons franchi, c’est l’océan qui commande ici.
Puisqu’il s’agit sans doute de la dernière nuit de notre traversée, Il y a un peu de stress a l’approche des terres que nous ne distinguons toujours pas. J’espère être éveillé quand les côtes de la Martinique se révéleront à nos yeux.

16 Jan
Cette fois ça, nous y sommes … A mon réveil, nous voyons la terre, où plutôt, ses lumières car nous sommes encore en pleine nuit.
Mais comme de bien entendu, rien n’est jamais facile ou acquis en mer, et c’est une multitude grains qui nous accueillent. « Et bien, comment dire ? Vous êtes certains qu’il fait beau temps en Martinique ? ». Même quand Manue va se coucher, ils ne disparaissent pas, ce qui est étonnant car depuis quelques nuits, elle a une « poisse météo » quasi divine et je m’étais habitué à ce que le mauvais temps lui soit réservé 😉
Bah, ce n’est pas bien grave, bien moins en tout cas que la barrière d’orages qui nous avait interdit l’accès direct à Stromboli. Alors, restons zen, sans chercher la performance et en restant aussi éloigné de la côte qu’il est raisonnable, avec l’aide du vent qui balaie les nuages, nous parvenons à nous faufiler au moins entre les plus gros qui se retrouvent entre l’île et nous.
Enfin, peu à peu, le jour dévoile les pentes verdoyantes de la Martinique et rends notre arrivée imminente de plus en plus « palpable ».
Arrivée que nous avons finalement prévue au mouillage, et non au port. Pour éviter le stress, la foule et les inévitables errements d’un port surcharge.
Bien entendu, cela ne sera pas sans une ultime péripétie. Au hasard d’une manœuvre de pont imprévue, Manue en profite pour aller prendre un bain de mer … Toute habillée qui plus est. Elle est vraiment incorrigible 😉 Je dois reconnaître que, de là où je l’observe, la cabriole par dessus le garde fou est belle, comme une artiste de cirque aurait soignée sa sortie. Heureusement, les conditions sont calme à l’abri de la pointe Salines et de L’Islet Cabri et notre vitesse est faible. J’ai donc le temps de lui jeter la bouée de sauvetage et le feux a retournement. Le reste s’enchaîne presque naturellement, large de mi tour, mise à la cape au vent de la naufragée, déploiement de la plateforme de bain et de l’échelle. Il faudra quand même deux tentatives pour récupérer à bord une Manuela toute mouillée 😉 et pas plus traumatisée que ça.

Quelques dizaines de minutes plus tard, les manœuvres de mouillage marquent la fin de la grande traversée.

Les divagations de Manuela

J1 (mercredi 30 décembre 2015)
Ce que nous n’avions pas prévu déchirer le génois le premier jour
Ce que nous avions prévu : le heavy duty sail repair et le speedy stitcher en cas de pépin ! Décider de se lancer dans la traversée dans ces circonstances paraît gonflé et pourtant tout est question d’analyse de risque etc. Choses que je ne pensais plus faire en quittant mon travail et je n’ai jamais autant travaillé depuis!
Quant à la logistique à bord je sais déjà que je n’avais pas prévu les vagues constantes que nous subissons si bien que je regrette déjà le manque de simplicité de certains plats que nous comptions déguster en navigation. Mais nous n’en sommes qu’au début donc réserverai mon jugement. Pour l’instant, les repas sont sportifs et le but est de les simplifier et écourter au maximum afin de retrouver un minimum de confort.

J2: nous nous accoutumons plus vite que lors de la dernière traversée – mais réalisons que nous n’allons pas voir grand chose qui vit pendant longtemps…a part des centaines de poissons volants bien-sûr ! J’adore regarder la mer mais je me demande ce que j’en penserai dans 8 jours……..
Tâche quotidienne : ramasser les poissons volants échoués sur le pont – Olivier s’occupe du pont bâbord et moi de tribord jusqu’à présent. Je n’arriverai jamais à m’y faire chaque fois que je tombe nez à nez avec cette petite bestiole par surprise le matin au réveil !
La navigation s’est bien passée aujourd’hui et l’alternateur d’hélice nous a bien aidés pour éviter de mettre le moteur en route pour charger nos batteries. Néanmoins, comme nous « sous-toilons » la nuit aussi avons quand même dû le faire marcher 2 heures, au deuxième jour de traversée…j’espère que ça ira, nous n’avons du gasoil que pour faire un tiers du chemin cette fois….Demain nous devrions charger avec le générateur pour la première fois.

Repas de 31 super mais j’oublie de temps à autre que nous sommes passés en 2016. Nous avons bu un ou deux verres mais nous sommes plus attentifs à la navigation et aux contraintes de sommeil et de marche du bateau que 100% à la fête – bien que nous ayons réussi a nous prendre au jeu une heure ou deux. Ensuite dodo – avant le passage en 2016 pour tout vous dire. Le meilleur moment de notre soirée est quand nous allumons la bombe de table dans le cockpit juste après le coucher du soleil. Des petits cœurs et cotillons sont à présent collés sur les tauds latéraux du cockpit et nous font penser aux amis qui nous manquent et que nous imaginons en train de fêter cette fin d’année! Merci Myriam et Stéphane d’avoir pensé à nous faire embarquer cette petite bombe qui a eu son effet (film).

J3 – Jour de l’an
Nous ne sommes pas prêts de l’oublier celui-ci – la journée avait très bien commencée. Mine de rien nous avions adapté les festivités à nos horaires de quart et avions donc bien récupéré de la première nuit qui est toujours difficile. C’est ainsi que je me suis couchée juste avant minuit en France après avoir souhaité une très belle année à Olivier avec un petit quart d’heure d’avance. De toutes façons nous décidons de l’heure depuis notre départ sachant que nous allons traverser 4 zones. En quittant Mindelo (UTC -1) nous nous sommes calés sur l’heure UTC, l’heure que la pendule de Takoumi affiche à bord. Dans quelque temps nous nous décalerons d’une heure par-ci par-là pour arriver en Martinique en UTC-4.
Donc, bien dormi et d’attaque! Mais la journée se solde par beaucoup d’inquiétude et de bricolage. En effet, c’est la charge des batteries que nous tentons de maîtriser et le générateur testé fait des caprices de surcharge. Lorsque nous trouvons enfin une solution (que l’on ne comprend pas pour le coup mais qui marche…), ben il n’est pas très efficace et fait un tel barouf que nous ne l’utiliserons qu’en cas d’urgence! Ensuite, petite pannette ( petite petite panne, pas nette) découverte sur l’alternateur d’arbre qui plus est – mais c’est vite réglé ouf, il charge à nouveau!
Deuxième (ou troisième?) problème beaucoup plus stressant une fuite d’huile sur le moteur (Neco) du pilote auto. Alors là on est mal s’il rend l’âme – nous cherchons, cogitons et finissons par sceller le boulon qui semble suinter. Pas très satisfaisant mais si ça marche nous sommes contents. Sinon comme le disait Alain (formateur de la grande Motte) « Yaka démonter, t’as pas l’choix » – après tout c’est un moteur même s’il est bien différent d’un diesel marin, le sujet de notre formation.
Avec tout ça nous n’avons pas pu nous reposer de la journée et sommes déjà crevés. Repas du soir, menu de bébé – c’est-à-dire jambon moulu, et coquillettes à l’emmental – que nous ne trouvons pas à Mindelo donc nous râpons du Gouda. C’est différent. Juste avant de servir je vois quelques petites bêtes en surface de l’eau des pâtes (un reste d’Italie). Honnêtement, il est trop tard pour refaire à dîner, qui plus est nous ne souhaitons pas gâcher deux portions de pâtes au début du trajet…Bref, nous les enlevons dans nos assiettes, enfin celles que l’on voit et mangeons très vite. Je crois que nous commençons à relativiser…
Nous avons eu entre 20 et 30 nœuds de vent toute la journée et cette nuit, le vent est descendu en dessous de 15 nœuds, les vagues se sont calmées une heure ou deux. Ça repose au début mais vite, je me surprends à souhaiter plus de vent pour avancer décemment et charger sans avoir à allumer le moteur. Néanmoins je viens de finir de lire la Vie en Mieux d’Anna Gavalda qui me laisse emplie de positivité. Après La Traversée de Philippe Labro ça m’a quelque peu remonté le moral. Bien qu’il ne s’agisse pas de la même, en parlant de Traversée, il y a de quoi devenir psy ou philosophe durant les heures « creuses » de notre périple. Je réfléchis régulièrement à ce qui est important, ce que je suis sans doute inconsciemment en train d’apprendre ou de comprendre au cours de ce voyage. Des mots me viennent à l’esprit que je veux retenir et noter avant de les oublier:
L’équilibre – on le cherche sans cesse dans la vie et bien, il devient vital en mer au long cours – l’équilibre du bateau pour sa bonne marche, notre bonne forme sans quoi nous ne pouvons pas bien l’équilibrer, qui passe par notre équilibre mental et physique, qui dépend de l’équilibre de notre hygiène, sommeil, de nos ressources telles que l’eau et la nourriture, etc. Enfin, l’ambiance à bord est importante – si nous déprimons tous les deux en même temps concernant la dernière pannette, ça ne marche pas. Il nous faut garder le courage et la volonté de surmonter les obstacles et pour cela, nous créons une espèce d’harmonie à bord que je trouve essentielle.
Préserver est devenu ma priorité de chaque instant – d’abord nous préserver, en second lieu le bateau.
L’instant, le moment, maintenant – j’ai souvent cité le livre intitulé « the Power of Now » dans mon boulot (sans jamais l’avoir lu, je peux vous faire cette confidence) mais n’êtes-vous pas d’accord que l’instant présent dans l’aventure est primordial? Il faut s’adapter au mieux à des circonstances très changeantes et variables soudainement. Bien qu’épuisé il faut quand même trouver la ressource pour aller réduire les voiles quand les vagues se mettent à déferler, le vent à tout soulever! C’est là que la discipline entre en jeu, un peu comme le service militaire qui bizarrement ouvre l’esprit de certains jeunes épars à l’ordre, au devoir, qui apprennent des automatismes sensés les aider à survivre en cas de véritable conflit. Évidemment dans une caserne au fin fond de la Sarre, ça paraît stupide et réducteur mais en mer, je trouve que ces principes s’appliquent assez fréquemment. Pourquoi ne pas proposer un service nautique à nos jeunes à la sortie du lycée? Un service survie également à la Koh Lanta en moins stupide pour que cela ne ressemble pas a un mélange de colonie de vacances et reality show. Je le pense parce que j’ai suivie au moins 4 saisons, comme beaucoup de français…Bref, la mer au longs cours rend un peu psy et philosophe…ou simplement barjo nous verrons bien dans quelques semaines.

J4 (samedi?)
RAS si je puis dire, notre première journée de bulle. Vent stable, bonne vitesse de croisière et nous avons dû nous habituer aux vagues qui ne nous dérangent plus. Les repas sont toujours un moment chaotique mais nous avons changé de stratégie en nous installant dans le carré à la gîte. J’ai même tenté de cuisiner ce soir (carottes et pommes de terre aux ognons et à la crème à la cocotte minute…) mais j’avoue être exténuée après un tel numéro d’équilibriste. Nous enroulons le génois vers 22h en prévision de la nuit (plutôt ventées par ici) mais je n’ai pas encore trouvé le moyen d’enrouler sans devoir forcer au-delà de mes capacités physiques par 20-30 nœuds. Il s’agît de trouver le point d’équilibre du génois pour qu’il faseye suffisamment mais pas trop, afin que l’enrouleur vienne sans trop forcer – mais un peu quand même. Bel exemple de l’importance de trouver l’équilibre…Nous ferons d’autres entraînements demain de jour pour que j’y arrive enfin. Dormir ce soir sera un challenge, le vent et les vagues ont forci et le bateau est très secoué. D’ailleurs nous nous n’avons vu aucun dauphin depuis notre départ et pensons que la grande houle et les déferlantes, ce remous incessant en sont la cause. Pas tellement d’oiseaux non plus mais des poissons volants tout le temps! Mais ça je vous l’ai déjà dit je crois?

J5 (dimanche, j’ai vérifié !)
Grande fatigue aujourd’hui – je me suis levée en comprenant mieux ce que Georges, rencontré à Taormine, voulait dire quand il nous conseillait sur la transat de dormir dès qu’on pouvait. En fait c’est parce que la plupart du temps, tu ne peux pas dormir! La nuit dernière la mer était comme des montagnes russes et je ne m’endormais qu’entre deux tours de manège. Les vagues semblent régulièrement attaquer Takoumi – BAAM sur bâbord, BAAM sur tribord et par dessous la coque! Les alizés soufflent en permanence entre 20 et 30 nœuds et semblent maintenant un peu plus faibles le jour. La journée est assez agréable d’ailleurs mais comateuse…Olivier fait tout pour maîtriser la fuite d’huile de « Neco » qui continue de nous embêter. En revanche nous n’avons pas remis le moteur en route depuis plus de 24h grâce à l’alternateur d’arbre et notre vitesse – il charge à merveille – pourvu que ça dure! En fait, notre vitesse moyenne est d’environ 5,8 nœuds sur les 5 derniers jours – ce qui est beaucoup par rapport à nos navigations précédentes (4,7). Nous avons déjà parcouru plus d’un quart du chemin mais c’est encore bien trop tôt pour en conclure que nous mettrons moins de 3 semaines – nous pouvons rencontrer des grains, ou pétole et perdre du temps sur les 3/4 restants bien qu’on ne le souhaite vraiment pas.
Nous sommes fatigués mais sereins, vigilants car les conditions ne sont pas de tout repos, ce qui est bien en mer – d’être vigilant, pas les conditions pourries comme dirait Olivier. Pour l’heure notre seule véritable angoisse concerne le pilote auto et cette fuite donc nous commençons à penser au possible système D au cas-où. Il vaut toujours mieux être préparés au pire avant qu’il n’advienne n’est-ce pas. Les scénarios catastrophe ne manquent pas pour alimenter quelque unes de nos discussions durant la journée – juste histoire d’être prêts – au cas-où. Cela doit paraître un peu stressant n’est-ce pas? Je confirme mais nous étions prêts à cela… juste moins au fait de n’avoir pas encore vu un seul dauphin, ne pas pouvoir buller un peu plus souvent et les repas séance de sport en salle abdos – fessiers! Cela-dit, prendre nos repas à la gîte nous soulage les muscles, la musique et la lecture nous tranquillisent et demain, si l’état de la mer le permet, je recommence à pêcher!

J6
Bon eh bien je pêcherai plutôt demain…journée mouvementée comme d’habitude si je puis dire. J’ai aperçu un grand oiseau blanc avec le bec orange courbé qui nous tournait autour en espérant qu’il se joigne à nous mais il s’en est allé….Pas assez confortable je pense, je lui souhaite d’avoir trouvé un cargo sans doute plus luxueux pour sa traversée. A ce sujet nous n’en avons vu aucun de cargo, juste aperçu une trace AIS éloignée sur le traceur. En réalité tu as très peu de chance de croiser d’autres bateaux pendant la traversée aussi on veille le temps, les vagues plutôt que la circulation. S j’osais je dirais que nous veillons au « grain » mais l’expression a déjà été détournée…Je ne sais pas si vous l’avez remarqué mais la traversée ne se fait que dans un sens…c’est une réflexion bête peut-être mais je n’en ai eu pleinement conscience que le troisième jour après notre départ. Je m’explique: à J1 quand nous déchirons notre génois nous sommes à 23 miles de Mindelo et seulement 8 du mouillage le plus proche sur l’île de Santo Antao. Nous pouvons encore rebrousser chemin et réparer « à terre ». Mais à J3 quand l’alternateur et le pilote montrent des signes de faiblesse il est déjà trop tard, nous sommes presque à 400 km de la côte. Espérer remonter au vent des Alizés qui soufflent rarement en dessous de 20 nœuds et jusqu’à 30-35 nœuds depuis notre départ n’est même pas envisageable compte-tenu des vagues. Là j’ai soudain eu conscience que nous allions aller au bout de cette traversée – d’une manière ou d’une autre! A la veille de la fin de la première semaine de navigation la réparation du génois tient très bien, le pilote bosse dur et assure pour l’instant, même si nous nous attendons à devoir l’aider le moment venu. Je pense donc que nous avons bien fait de ne pas rebrousser chemin le premier jour, mais surtout, que nous avons eu beaucoup de chance que cela nous arrive alors que nous étions encore sous le vent de la dernière île du cap vert pour faire une réparation à même le pont pendant 2 heures sous moteur. Je n’ose pas imaginer la même chose maintenant – je touche du bois!! Par chance il y en a plein à bord mais je me dis plutôt que cette expression doit venir du milieu maritime? Il faudra que je la recherche quand nous serons à nouveau à terre.
Je pense à mes frères cette nuit, l’un pendant ma pause rituelle de demi-quart pendant laquelle je mange mes oreo cookies ( trempés dans du lait pour ma part, c’est un délice !) et l’autre parce que nous apercevons un cargo à l’AIS qui se rend à Wilmington où il vit. Vers 5h30 j’ai reçu un SMS de mon père qui m’a fait sourire – il y est justement en ce moment à Wilmington…
Quart de quoi d’ailleurs, un demi quart n’a jamais fait 2 heures?? Encore quelque chose à rechercher « de retour sur terre »….ah si nous avions internet au moins je n’écrirais sans doute pas toutes ces broutilles ?!!!!

L’ennui à bord, c’est une bonne question concernant la traversée – je ne peux pas dire que je m’ennuie parce que nous sommes en veille constante donc avons une occupation à tout instant. Mais la veille c’est un peu comme surveiller des gamins en permanence j’imagine. Il ne se passe pas toujours quelque chose mais on ne peut pas non plus laisser une ribambelle de jeunes ou jeunes enfants seuls très longtemps sans ce semblant de surveillance. Cela ressemble à de l’ennui dans ces moments creux ou il ne se passe rien. Mais je surveille les vagues pour qu’elles n’en profitent pas pour envoyer Takoumi de travers, le vent pour qu’il ne dévente pas mon génois, et l’heure pour me motiver en attendant la relève qui s’avance. Olivier et moi convenons que lorsque nous nous relevons l’un l’autre c’est « libératoire » – mais ça c’est parce que l’on rêve de se rendormir quelques heures, non pas parce qu’on s’ennuie. Je dirais même que la veille est assez fatigante et que dans cette traversée bien particulière elle s’avère assez intense. Je crois que je vous l’ai déjà dit mais…vraiment, Rien n’est bien stable, bien au contraire le vent varie toutes les secondes de plusieurs nœuds, les vagues viennent de derrière de travers et nous soulèvent sans raison apparente. Et tu passes ton temps à observer et analyser tous ces facteurs pour équilibrer ton bateau, enfin essayer…bref, je ne pense pas que nous nous ennuyons beaucoup finalement.

J7
Le vent tombe en dessous de 20 mais les vagues sont toujours imposantes. Nous sommes fatigués sur Takoumi. Alors nous nous occupons entre deux siestes et deux quarts (qui font un demi). Journée cuisine – salade de riz le matin et quatre-quart dans l’après-midi (c’est un gâteau, rien avoir avec la navigation :). Nous n’avons plus d’œuf à présent faute d’en avoir débusqué à Mindelo (très prisés pendant les fêtes de fin d’année !). J’ai terminé un premier roman d’Agnes Ledig que je ne connaissais pas, divertissant mais loin de la joliesse des mots d’Annna Gavalda. Dans la soirée je commence le premier livre de poésie écrit par mon ami Américain Rob. Je les gardais pour la traversée donc me réjouis de les commencer. Alors que nous voguons sur l’océan, Rob se promène en Asie en ce moment.

J8
Enfin les vagues s’estompent et m’autorisent à pêcher! Qu’à cela ne tienne, avant le déjeuner je remonte un beau spécimen de 39 cm, ce sera parfait pour le dîner. Le vent est encore tombé et nous allons bien moins vite mais le calme revenu nous repose un peu. Bien que nous trouvons que nous nous traînons… La vitesse faible ne permet plus de charger les batteries grâce à l’alternateur d’arbre donc nous remettons le moteur en route sous voile pendant 2 heures. Première fois depuis 5 jours, c’est pas mal! Et premier apéritif sur le pont depuis notre départ. Il commence à faire chaud. Le soleil se couche vers 21 UTC. Le poisson s’avérera vraiment délicieux et repus, moyennement secoués, nous dormons beaucoup mieux cette nuit.

J9
Je n’ai pas noté quand il a commencé mais le mauvais temps nous a rattrapés. Le calme n’aura pas duré assez longtemps à notre goût et nous passons une nuit très mouvementée. Pas moins de 3 grains avec des pointes de vent à 35 nœuds. Les voiles sont réduites et tout se passe très bien, presque confortablement mais mes doigts sont fripés comme si j’étais restée trop longtemps dans mon bain…il y a pourtant longtemps que je n’ai pas pris de bain, il me semble que le dernier remonte au matin de notre mariage! Le temps ressemble à ce jour-là d’ailleurs. Heureusement il fait bon et nous séchons entre deux averses. Je ne pêche que des algues depuis 2 jours et la motivation baisse un peu avec la fatigue néanmoins, « demain est un autre jour » comme dit Olivier.

J10
La nuit qui a suivi était peu agitée et nous avons fait route au moteur plusieurs heures au lieu des 2 heures prévues pour recharger les batteries. C’était trop calme n’est-ce pas? En effet à 4 heures du matin, le pilote décide de s’arrêter! Je commence à peine mon quart et me vois déjà devoir barrer pendant 4 heures. Pas facile et source de torticolis d’après mon expérience. Coup de chance ou bonne préparation: nous avons le relai de rechange qu’Olivier installe en trois minutes chrono et le problème semble réglé. Avec le recul je pense pour ma part que cette panne datant du passage du détroit de Messine – en Août je crois était une chance pour nous de bien nous préparer pour cette traversée…et les mois de navigation côtière sont irremplaçables pour bien connaître et maîtriser (quand on peut) un bateau de 35 ans avant une grande étape.

J11
Les grains semblent définitivement avoir laissé leur place à la pétole entrecoupée de minces accélérations du vent en dessous de nuages. Nous avançons doucement doucement peut-être pour commencer à nous acclimater à notre prochaine destination, qui sait ? Depuis ce matin la tenue obligatoire est le maillot de bain sous un soleil de plomb. Nous mettons même le taud de soleil pour profiter du cockpit à l’ombre. Il fait 30 degrés dans notre cabine au moment de la sieste mais nous pouvons enfin ouvrir les hublots fermés jusque-là pour nous protéger de beaucoup d’humidité.
J’ai ferré un poisson qui s’est décroché à quelques mètres du bateau….navrant! Ensuite des algues, encore et toujours des algues!! Nous devrions véritablement apprendre à les cuisiner.
En effet, nous voyons des nappes d’algues sur l’océan qui prend alors des teintes oranges, parfois rouges au sein d’un bleu intense. C’est assez étonnant. Les nuages se dissipent au cours de la journée et nous pouvons voir le soleil se coucher – enfin! S’ensuit une nuit calme et très belle. Et notre sommeil plus serein. Il fait bon de récupérer un peu malgré notre meilleur score de lenteur. Quand au bateau, un problème laissant place à un autre, nous avons des soucis de recharge de batteries plus sérieux depuis hier, qui nous contraignent à mettre le moteur en route plusieurs fois par jour sous voiles. Nous espérons que ce ne sont pas les batteries elle-mêmes et pouvoir recharger plus facilement dès qu’il y aura du vent – ce qui n’est prévu que mercredi malheureusement. La seconde moitié de la traversée s’annonce bien plus longue. Ceci dit nous sommes plutôt bien alors rien ne presse finalement.

J13
Le calme annoncé ce fût une très belle journée – comme une récompense, nous avons profité de l’absence de vent, de vagues et donc de vitesse pour faire un « mouillage » en plein océan! Grisant!!! Nous nous sommes mis à la cape en laissant dériver Takoumi, et nous sommes jetés à l’eau (un bout à la main par sécurité) deux fois dans la matinée. Et à force de pêcher des algues, eh bien je réussis non sans peine à ramener une magnifique dorade ou mahi-mahi de 64cm en fin d’après-midi. Nous dînons « comme à la maison » et apprécions grandement le sashimi accompagné de riz basmati. J’avoue que ce moment est fantastique. Mais la météo change peu à peu et malgré un vent faible, nous vivons une autre nuit de grains…

J14
Un peu plus de farniente et de détente nous aurait convenu….mais non, la mer n’est franchement pas belle aujourd’hui et je suis fatiguée par la nuit sportive. Le vent changeait toutes les 5 minutes et nous étions souvent au près serré avec des vagues de travers. Je n’aime pas cette allure, je trouve la navigation inconfortable. Les vagues sont trop fortes par rapport à notre vitesse. Jour sans pour moi…mais j’aurai quand même l’occasion de voir un bel oiseau noir immense pêcher les poissons volants. Le soir venant, la mer se calme un peu et le coucher du soleil est au rendez-vous. Je me surprend à cuisiner avec plaisir quand les conditions me le permettent à bord. Un repas frais après deux semaines de traversée est un vrai bonheur qui plus est. Il ne nous reste que des pommes de terre, des oignons, de l’ail et des citrons verts mais tout cela agrémente parfaitement le mahi mahi aux amandes en papillote pour notre dîner. Je commence également à soupçonner que je ne perdrai pas un kilo d’ici notre arrivée…Nuit sereine, nous avançons bien une grande partie de la nuit et c’est l’occasion pour moi d’écrire à nouveau après une panne d’inspiration de deux-trois jours…

J15
Voilà deux semaines que nous sommes en mer et nous avons une sacrée organisation que nous continuons d’améliorer. C’est étrange de vivre côte à côte dans un espace aussi réduit tout en se croisant, en faisant chacun notre vie séparément la plupart du temps. Notre relation diffère selon le moment de la journée, co-capitaines pour les manœuvres, les quarts de veille – et de sommeil que nous défendons, les taches quotidiennes de vie à bord, amis pour la pêche, les jeux ou les discussions de livres que nous sommes en train de lire, et conjoints attentionnés et « caring » pour tout le reste. Nous sommes contents de ne pas avoir embarqué d’équipiers car c’est riche mais déjà compliqué à deux et nous n’aurions pas vécu tout ça ensemble de la même façon.
Ce soir nous avons trinqué au passage des derniers 300 miles sur 2100 environ. Je suis motivée par la perspective d’arriver mais essentiellement pour pouvoir dormir quand et le temps que je veux. Après avoir récupéré un peu, je pourrais envisager une certaine excitation concernant le reste – les tropiques, coraux et poissons palettes, chaleur, rhum et petits punchs, mais aussi, nouvel endroit, nouveaux codes et fonctionnement à déchiffrer, le linge, le bateau, le marché, le tourisme…). Petite note au sujet des déchets dont il faudra s’occuper en arrivant à terre, nous sommes effarés par la quantité d’emballages, bocaux, boîtes etc. A ce jour nous avons 30 litres de déchets ménagers pour plus de 40 litres d’emballages. C’est une catastrophe cette folie des emballages, et je pourrais vous écrire un chapitre sur leur qualité variable testée dans cet environnement extrême – humidité, chaleur, vent etc. Ça vaut également la peine d’en enlever un maximum avant de traverser si on manque de place.
Quant à aujourd’hui, RAS, un peu…puis plus…puis plus (+)…de vent. Plutôt tranquille.

J16
Il y a eu plusieurs paliers durant les jours, semaines de traversée qui altèrent à la fois notre moral et notre tranquillité d’esprit:
Le premier palier important est quand nous sommes trop loin pour rebrousser chemin – après quelques jours et à seulement 15% du chemin….c’était une évidence bien que sans le choix, vous pouvez toujours essayer…moment inquiétant.
Le milieu….c’est le moment où nous avons commencé à avancer vers notre prochaine escale plutôt que de nous éloigner de la dernière. Moment super important psychologiquement, un tournant définitif – moment un peu rassurant, tu commences à y croire.
Les derniers milles, tu te prépares, redoutes l’arrivée et touches du bois toute la journée en te rappelant qu’en mer tu n’es pas arrivé avant d’avoir posé l’ancre ou avant d’avoir débarqué à quai. Bien que tu tentes de ne pas y penser, une certaine relâche se ressent à bord, on attend, et on passe sur la taille des vagues ou les conditions météorologiques qui il y a dix jours impressionnaient. En fait, nous sommes crevés également alors nous essayons de dormir un maximum en attendant. C’est une peu démotivant cette ambiance sur fond de demi-conscience que nous vivons « un truc de dingue » qui va bientôt s’achever. Je vous en dirai plus plus tard maintenant 🙂

RAS depuis hier, journée en demi-teinte question météo pour avancer convenablement mais rien de particulier. Un poisson que j’imagine gigantesque a réussi à couper ma ligne – adieu le dernier leurre de taille raisonnable…je pêcherai encore demain avec un leurre un peu plus grand en tentant d’éviter les algues…Les grands absents, les dauphins nous manquent beaucoup depuis le départ de Mindelo mais je continue de scruter l’océan pour en apercevoir…à défaut, le début de la nuit était enfin éclairé par un joli croissant de lune à l’horizontal – et je reconnais de plus en plus de constellations – toutes à l’envers pour moi, qui se déplacent de la poupe à la proue de Takoumi au fur et à mesure que la nuit se déroule. Nous avons quand même croisé et vu un cargo à moins de 2 milles cette nuit! On sent que l’on s’approche peu à peu de la terre mais sans la voir….

J17
Moi je pense que la Martinique elle se mérite. Olivier est allé se coucher vers 4h en me disant qu’il pleuvait un peu mais qu’il n’y avait pas de grains cette nuit. Et immanquablement un quart d’heure plus tard il pleuvait, certes, mais il y avait 30 nœuds…qui plus est je voyais une ligne blanche à l’horizon – ça ne pas être bon ça – le bouquin dit ligne blanche = grain blanc avec 30 à 40 nœuds…moi je dis « faut pas y aller » alors je change un peu de cap. Et par acquis de conscience je fais un « check radar », en effet nous sommes plus ou moins cernés par la pluie! Pourquoi me refile-t-il toujours des débuts de quarts comme ça? Comme il dit le vent s’accroît dès que je quitte ma couchette. Et c’est le même scénario presque tous les soirs. Bon mais ça s’est calmé depuis puisque je peux écrire un petit quart d’heure. Pour l’instant, nous pensons arriver demain et nous arrêter au calme au mouillage une nuit ou deux avant d’aborder Le Marin, le port, la ville, histoire de ne pas nous faire mal et profiter d’emblée de cette première île aux Antilles dont les coraux, les plages et les lolos ou restaurants de plage sont « typiques » et reposants.
Nous vivons nos derniers moments de traversée depuis hier soir, dernier apéritif à l’avant du bateau, dernier dîner – gratin dauphinois confectionné avec les dernières pommes de terre de Mindelo – il nous reste 2 citrons verts (petits punchs à l’arrivée?) et un oignon. Nous n’avons pas trop mal géré le stock de légumes et n’avons rien perdu pratiquement. La cambuse s’est d’ailleurs bien vidée mais nous pourrions encore tenir plus de 2 semaines puisque nous n’avons mangé que très peu de conserves, de riz ou des pâtes jusqu’à présent.
Pour l’heure, nous commençons à nous demander s’il fait vraiment beau en Martinique? Nous attendons l’aube avec beaucoup d’impatience en espérant commencer à apercevoir la terre.
Il s’avère que la ligne blanche était peut-être la lumière qui s’en échappait en dessous des nuages très bas jusqu’à notre arrivée. Cette dernière nav’ était pénible, nous avions 10-15 nœuds de vent qui se transformaient en 25-30 toutes les 20 minutes sous un gros amas gris survolant le bateau. Essaie de régler tes voiles dans ces conditions…c’était crevant et pour couronner mon succès à ce jeu complexe, je suis tombée à l’eau deux heures avant l’arrivée ! Nous étions en train de réduire la grand voile et la balancine s’étant coincée dans un hauban, je suis allée l’aider quand j’ai vu la bôme s’abattre vers moi – je suis tombée en évitant de me faire assommer.
Erreur bête qui se termine bien: Olivier m’a vite lancé la bouée et a réussi à me récupérer au deuxième passage, en mettant Takoumi a la cape travers au vent. Le problème quand tu tombes à l’eau, ce n’est pas de nager mais de nager avec ta veste de quart trempée qui semble peser une tonne et vouloir t’entraîner vers le fond de l’océan. Mais ça s’est plutôt bien passé cette expérience de femme à la mer. Ironiquement, ça faisait des mois que je parlais de nous y entraîner. Après ça Olivier m’a relevée de mes devoirs et nous a amenés au mouillage tranquillement. Sous la pluie plus ou moins tout le chemin. Je confirme, il ne faisait pas beau en Martinique ce jour-là. Nous sommes arrivés. Et voilà, la traversée c’est fait et je suis très très fière de cet accomplissement!
Ce matin après avoir fêté cela hier soir en buvant du champagne Mum cordon rouge, dernière bouteille datant du mariage et une douzaine d’heures de sommeil, j’ai mal partout mais je suis sereine, au calme – après la tempête. Et surtout heureuse en prenant mon café en regardant l’arc-en-ciel sur le Rocher du Diamant au loin.

A propos de la traversée

Pour ceux qui n’auraient ni le temps ni la patience, nous vous proposons dans cet article un très, mais vraiment très, rapide résumé de la traversée. Nous vous encourageons à prendre les temps de lire les deux journaux de traversée que nous avons consciencieusement rédigés. Et je vais même jusqu’à suggérer de les lire simultanément afin de découvrir les subtilités de chacune de nos traversées dans nos différences de narrations.

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Notre traversée elle même peut se diviser en trois grande étapes.

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La première, très venté en permanence (25-35 nœuds réels), donc fort agitée. Comme beaucoup l’attendent, c’est lors de ces premiers jours que nous avons affronté des montagnes liquides. Pour ma part, si la hauteur des vagues est imposante, c’est surtout la profondeur des creux qui m’ont impressionné… Parce que mine de rien, le bateau passe au dessus des vagues, mais « tombe » entièrement dans les creux …

C’est dans cette première période que les avaries s’accumulent. Génois déchiré et immédiatement recousu sur place, fuite d’huile au pilote automatique difficilement circonscrite avec un odieux plâtrage de sykaflex et enfin baisse de régime du générateur d’arbre d’hélice arrangée selon la sacro-sainte méthode du tendre et serrer plus.

Très honnêtement, dans ces premiers moments, il nous arrive parfois d’avoir des idées comme … « cette fois-ci peut-être avons nous entrepris quelque chose au dessus de nos pompes » et … « Il y en a vraiment qui choisissent de subir ça plusieurs fois dans leur vie ? » Et « mais comment on va faire pour le ramener ce bateau? ».

Nous ne manquerons toutefois pas de fêter presque « correctement » le nouvel an, avec bombe de confettis (Merci Myriam et Stéphane), bonne bouteille (Merci Tota) et plat de saison (Merci Jean-Marie).

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Et nous allons tellement vite, que cette première partie représente quand même la moitié de la traversée dans un inconfort certain notablement marqué par la fuite régulière des aliments hors de l’assiette… Et je ne parle même pas du fait que je renverse quotidiennement mon café.

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En deuxième partie, les conditions se calment … Franchement.
Presque la pétole, nous en profitons notamment pour nous baigner et reprendre nos apéros/coucher de soleil sur le pont. C’est aussi la période où la fatigue commence a se ressentir, peut-être à cause du relâchement. Pourtant, les nuits continuent à représenter les moments forts, avec une première montée du vent avec la tombée du soleil et une autre, tout aussi systématique coïncidant avec le début de quart de Manuela.

Là, nous commençons à nous poser des questions, hormis les poissons volants et quelques oiseaux, nous n’avons croisé aucun animal, pas une baleine, même pas une troupe de dauphins. Il semble que ce soit à cause de la route depuis le Cap-Vert, ceux venant directement des Canaries ayant eu plus que leur quota de visites. Bon, il y a bien les deux prises de Manuela…

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Enfin, la dernière partie est marquée par… Je vous le donne en mille … Le mauvais temps…
Mais pas la tempête, non, mais les nuages et la pluie, quelquefois des grains… Enfin, au moins de quoi nous faire douter des dépliants promotionnels vantant la Martinique pour son climat.

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Les deux derniers jours principalement sont ceux où nous avons eu le plus de pluie et quelques beaux moments de jeux « évite grains » auxquels nous avouons volontiers perdre plus souvent que nous gagnons.

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A l’arrivée sur la Martinique, c’est entre deux nuages que nous distinguons les premières côtés, trop vertes pour être honnêtes. Le dernier virage est aussi le moment choisi par Manuela pour lancer une impromptue manœuvre de « femme à la mer »… Elle a bien choisi son moment, les conditions étaient redevenues maniables et sans grand danger.

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Voilà, comme annoncé, c’est vraiment un résumé, tout, absolument « presque » tout, est révélé dans nos journaux personnels qui sont publiés juste à la suite et que je vous laisse découvrir si le cœur vous en dit.

Et pour conclure, nous sommes sincèrement heureux et fiers d’être arrivés et surtout d’avoir vécu cette étape qui ne ressemble à aucune autre et qui nous apporte un sentiment d’accomplissement certain.

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Juste pour le plaisir des yeux, quelques belles photos de … nul part en fait 😉

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Par Delà l’océan

L’île de la Martinique accueille les marins après 17 jours et 4 heures de navigation ( pas un record, mais une belle performance quand même).

L’anse Caritan, au sud du Marin, est notre premier mouillage et notre premier contact avec l’humanité depuis notre départ du Cap-Vert hormis les messages sms par satellite que nous avons vraiment appréciés.

L’heure est au repos et nous n’avons pas encore mis pieds à terre.
A bientôt pour le(les) récit(s) de l’épopée.
Allons dormir (beaucoup) maintenant 😉

Meilleurs vœux pour l’année 2016.

Manuela, Olivier & Takoumi.