Expédition mangrove
Après deux jours de rodéo sauvage, nous sommes impatients de découvrir cette île recouverte de mangrove et sillonnée de cours d’eau tortueux qui s’est tant fait désirée. L’objectif est donc un tour de mangrove avec notre vaillante annexe, du sud au nord en passant par le lagon qui trône en son centre … Un projet pour lequel nous prévoyons même du carburant supplémentaire, à défaut d’une simple bouteille d’eau ou d’une collation de fin de matinée … car si le planning est ambitieux, nous ne mesurons pas pleinement la dimension épique et expéditionnaire qui va s’imposer de fait.
Nous prenons donc un « départ peinard » et profitons d’un court parcours autour de l’île pour découvrir de près la côte morcelée par l’érosion et surplombée d’une végétation sinon haute, au moins impénétrable. Sur le rivage, deux représentants de la race canine nous accompagnent bruyamment jusqu’à l’entrée de la rivière dans la mangrove (la seule des Bahamas où il est autorisé de naviguer).
Il est temps de découvrir ce qu’est une vraie balade dans la mangrove en suivant cette rivière plutôt étroite et si peu profonde que le moteur hors bord trace un sillon sur le sable au fond de l’eau dans notre sillage … le cours d’eau est d’un calme olympien et ses abords ne sont pas de terre ferme, mais de végétation « les pieds dans l’eau ».
Nous évitons de trop traîner car les chiens sont toujours à nos trousses et engagent la poursuite jusqu’à nager dans le cours d’eau, ils sont distancés uniquement car ils nagent moins vite qu’ils ne courent, mais ils ont de la ressource les toutous !..
La balade continue et nous arrivons au lagon, immense trouée dans la végétation qui nous rend la vision d’un horizon lointain parcouru d’une belle étendue d’eau, de bancs de sable et de mangrove naissante un peu partout. Nous aurons même un aperçu mer, là où son extrémité rejoint la côte au vent.
Alors que nous reprenons notre bonhomme de chemin vers le fond du lagon, les deux canidés réapparaissent … A l’évidence, ils ont fait un grand détour et connaissent l’île mieux que nous … La poursuite recommence et j’avoue ne pas en mener large devant l’éventualité de devoir gérer une rencontre avec deux chiens sauvages.
A cet instant, la poursuite tourne plutôt bien pour eux et devient de plus en plus hasardeuse pour nous … il y a de moins en moins de fond, l’hélice du hors bord tourne presque dans le sable et les rames s’imposent comme notre dernier recours de propulsion … Inexorablement, les chiens gagnent rapidement du terrain et nous rejoignent si certainement que nous descendons de l’annexe prêts à défendre chèrement notre peau … mais … les toutous nous font la fête … et obéissent plutôt bien quand nous leur demandons d’arrêter de sauter et de s’assoir … Ils sont trop cool quoi.
Ceci dit, nonobstant l’issue heureuse de cette rencontre, nous sommes bloqués sur un banc avec l’annexe et nos deux toutous … C’est ce qui s’appelle « rester sur le sable » je suppose …
La marée ne sera pleine que dans 1h30 environ, nous avons fait attention à ça quand même, et décidons de ne pas attendre et de traverser le lagon en tirant l’annexe dans le mince filet d’eau qui enfle timidement avec la marée … trop timidement.
A cette occasion, les toutous sont nommés Titus et Marcus et suivent gaiement en mode balade. C’est vraiment curieux cette impression d’avoir deux chiens, dans une clairière improbable et vertigineusement belle.
Quand une 1/2 heure plus tard nous arrivons dans un cul-de-sac vaseux où nous nous enfonçons régulièrement jusqu’au dessus du genou, le tableau est toujours aussi idyllique, bien qu’un peu pesant quand même à la longue, et je ne parle même pas du poids de notre annexe ultra légère qui commence à se faire sévèrement ressentir … A l’évidence, cela ne passera pas …
La décision s’impose de refaire le chemin en sens inverse avant que la marée ne redescende. Nous avons encore du temps mais, bon, il ne faut pas tirer sur la corde tout de même. Heureusement, le retour jusqu’en eau navigable est plus facile car il y a un peu plus d’eau et nous apprécions de nous asseoir dans l’esquif que nous avons traîné dans cette double « traversée du désert ».
Titus et Marcus, toujours en mode balade, ouvrent la route, mais quand nous arrivons à la sortie du lagon et que nous pouvons remettre le moteur en route, Titus comprend que nous partons sans eux et commence à pleurer … C’est déchirant …
Ensuite, le retour au bateau pour récupérer masques et tubas se passe sans encombre et nous organisons un nouveau départ pour la mangrove … mais par le nord cette fois, histoire de voir jusqu’où nous pouvons nous aventurer de ce côté la.
Dans le dédale des rivières du nord, des tortues nagent et des américains cherchent une sortie, nous leurs indiquons notre entrée et eux la leur ! Mais nous n’avons pas dû bien retenir ce qu’ils nous ont expliqué, car entre deux culs-de-sac, nous découvrons certes une magnifique sortie sur la côte Est, mais à l’opposé de là où Takoumi nous attend … Ironiquement, à quelques encablures de la bonne sortie, nous croisons de nouveau les américains qui ont décidé de refaire un tour de manège après avoir trouvé facilement la sortie que nous leur avons indiquée !
De retour au bateau, après un déjeuner et un repos bien mérité, Manuela, qui visiblement a encore quelques ressources à revendre, rejoint, seule, la plage déserte pour se baigner. Nous ne partirons que le lendemain.