Nous parcourons le trajet de la Martinique à Grenade comme un boulet de canon à la moyenne de 5,9 nœuds pour seulement 27 heures de navigation jusqu’à Saint Georges, le principal port de l’île ou nous arrivons de bon matin, un peu désorganisés, n’ayant pas pu contacter le port avant de prendre une première place, puis une seconde, enfin attribuée par les mariniers. C’est double peine pour Manuela dont c’est le tour de réaliser les manœuvres de port.
Au premier abord, Port Louis Marina est superbe, ambiance luxueuse, organisée comme un village de maison traditionnelle, dans une zone arborée parcourue de multiples chemins ombragés. Chaque maison y accueille une activité, bureau du port, douanes, supérette, bar ou restaurant. Il faut même ajouter une piscine à cette liste. Clairement, la marina est conçue pour accueillir de gros yachts et leurs richissimes équipages. Nous stationnons d’ailleurs proche d’un titanesque voilier auquel il faut quatre camions citerne pour abreuver sa soif gargantuesque de diesel. Il faut croire par contre que ces palaces flottants n’ont pas besoin d’internet car le service wifi « haut débit » pour lequel nous obtenons gracieusement autant de codes d’accès que nécessaire est tout aussi anecdotique qu’ailleurs, de quoi nous arracher quelques soupirs de découragement.
L’accueil est sympathique et la capitainerie s’occupe pour nous de réserver pour le lendemain la plus dispendieuse des voitures que nous ayons louées jusque là.
Un tel environnement suggère un minimum de savoir vivre et un garde passe régulièrement pour s’assurer que les pavillons de courtoisie sont hissés dans le bon sens, et le cas échéant demander à l’irrespectueux plaisancier d’y remédier dans les meilleurs délais … aimable mais ferme demande à laquelle nous nous dépêchons d’obtempérer. Mais quelle idée aussi d’avoir un drapeau national quasiment symétrique dont seul un détail semble-t-il pas si insignifiant que ça détermine l’orientation ?
Aux abords de la marina par contre, un peu excentrée de la capitale, c’est un peu morne plaine, ceux-ci étant destinés à la réalisation future d’une luxueuse zone résidentielle, de grands hangars abandonnés, sans doute jadis des entrepôts de pêcheurs, attendent d’être reloués. On y retrouve d’ailleurs les fameux « dollar bus » où le modèle opérationnel semble copié dans toutes les îles Atlantiques depuis Mindelo jusqu’à Béquia.
Fatigués par la nuit de navigation, nous n’allons pas plus loin ce jour là et nous dînons au bateau après avoir profité du service vente à emporter du sushi bar de la marina.
Au matin de la première journée, nous récupérons notre « pas si luxueux que ça mais chouette quand même » petit SUV de location aux portes de la marina et nous partons pour notre journée d’expédition dans les terres.
Alors certes, ils roulent à gauche. Mais ce n’est pas le pire de la « route » grenadine. Non, le véritable problème de circulation dans l’île est un cruel manque de signalisation, au point que nous nous égarons systématiquement tout au long de la journée. Même les cartes routières indiquent des routes qui n’existent pas.
Et c’est ainsi que nous atteignons notre premier objectif après une heure et demi de conduite, de nombreux arrêts pour demander notre chemin et un demi tour dans la montagne. Pour un site situé à 20 minutes du port, c’est sans doute un record… Mais au moins, nous pouvons prétendre avoir très sérieusement explorés l’arrière pays et avoir rencontrés plusieurs habitants tous accueillants, allant même jusqu’à nous remercier de visiter leur île et leurs villages alors que c’est nous qui avons besoin de leur aide.
Heureusement, nos efforts sont très largement récompensés, le site de « Annandale falls » est superbe. Cette petite cascade nichée au fond d’un petit parc naturel aménagé est un souffle de fraîcheur auquel nous nous abandonnons avec délectation dans un bain d’eau douce.
Pour l’étape suivante, c’est toujours l’eau douce qui nous attire, et le parc de « Great Lake » … Mais nous devons souffrir une ultime avanie avant d’y parvenir. A un mile du but, à l’occasion de l’arrêt à un poste d’observation de singes, la vilaine voiture refuse de démarrer. Nous sommes dépannés en moins d’une heure, mais c’est long une heure au milieu de nul part … plus ou moins à l’heure du déjeuner.
Mais la vraie déceptions de cette pause est l’absence des singes « Mona monkey » … Peut-être les locaux les ont-ils tous dévorés ? Car s’il est quelque chose que la misère ne génère pas ici, c’est la faim. L’île généreuse et abondante pourvoyant aux besoins des habitants que l’on croise souvent machette en main activés ici ou là à la cueillette de tel ou tel fruits ou légume sauvage … Alors ? Les singes se méfieraient-ils des hommes ? Si oui, c’est à raison car nous en avons confirmation, ils en mangent aussi … d’après le panneau devant lequel nous sommes en panne.
Une fois équipé d’un « booster » (genre de batterie de secours portable), nous repartons pour le « Great Lake » où peu de locaux se baignent craignant la légende d’une profondeur incommensurable. Par contre, l’endroit est joli et c’est l’occasion pour nous de nous enfoncer dans la jungle en suivant un sentier de plus en plus abandonné et de plus en plus boueux … oui, oui, boueux, il faut bien une touche d’Angleterre dans cette histoire. J’en profite pour rappeler que cette année ont eu lieu les célébrations de la 42eme année d’indépendance ? Pourquoi 42 et non pas 40 ou 45 ? Je n’en sais rien, peut-être fêtent-ils cet événement chaque année ? En tout cas, toute l’île est parée des couleurs de Grenade. Bords des routes, rues de villages, bar et maisons sont peints en vert, rouge et jaune, donnant un air de fête à tout notre périple.
Périple que nous poursuivons jusqu’au soir sans chercher à trop savoir où nous allons …
Ce n’est qu’au coucher du soleil que nous nous arrêtons au bord de la route pour profiter face à la mer d’une bière bien méritée. Nous y rencontrons Kerensky, natif de l’île et content d’y habiter comme beaucoup de ces compatriotes. Il vient a peine d’ouvrir son commerce quelques jours plus tôt et nous sommes ses premiers touristes ! C’est peut-être pour ça que nous avons quand même droit à une bière alors qu’il n’en vends vraisemblablement pas et qu’il est obligé d’aller les chercher chez lui, dans son propre réfrigérateur personnel. A la fin, nous proposerons d’accompagner Sally, sa compagne, à son travail. Dommage que nous l’ayons déposée avec un bon quart d’heure de retard a l’hôpital où elle est infirmière …
De retour à St-Georges, sur le chemin du restaurant conseillé par les guides, nous auront une discussion avec le gardien du yacht club voisin auquel nous avons, une fois encore, demandé notre chemin. Il a une explication fort convaincante au sujet de la sécurité qui semble régner sur l’île, les actes de délinquances sont rarement anonymes sur une île où tout le monde se connaît peu ou prou de visu. D’ailleurs, il n’a connu aucun souci depuis les quatre années qu’il occupe ce poste.
Notre visite de l’île étant terminée, nous partons des le lendemain matin pour visiter Prickly Bay, au sud de l’île, où après une petite navigation tranquille, nous prenons une bouée au milieu de ce qui semble être le second pôle maritime de Grenade. La baie, bordée d’hôtels et de belles résidences, est accueillante mais loin de déborder de l’activité que l’on nous avait suggérée. Un complexe hôtelier s’occupe d’animer une petite place avec Tikki-bar, restaurant terrasse et podium de concert quand au fond de la baie se trouve un chantier et un shipchandler. A noter, c’est important pour plus tard, la présence d’une boucherie « française » derrière la place.
En fait d’animation, il y en a bel et bien à Prickly Bay, le soir même de notre arrivée se tiens un super bingo sur la place dont le gros lot n’est ni plus ni moins qu’une … vache, complète et vivante, sur pied quoi. Imagineriez vous gagner une vache au bingo de l’hôtel où vous passez vos vacances ? Et bien ici, c’est possible.
Du coup, nous ne préférons pas tenter le diable et plutôt que de gagner la vache, nous trouvons un petit bar sympa où les plats sont servis dans le jardin pour le dîner « chez Timber », mais côté bar, pas cantine …
De toute façon, de la vache, il est prévu d’en manger le lendemain soir… Sur la place du bingo est organisé un barbecue « Grill it yourself »… En fait, le concept est simple, en premier, acheter sa viande chez le boucher et venir la cuire sur un barbecue en self service au restaurant qui trouve son compte en fournissant boissons et accompagnements.
C’est donc une pure activité de « Liming », qui en bon caribéen anglophone signifie « Hang out and Socialize », soit, « Sortir et Rencontrer des gens ».
Le concept est vraiment sympa, mais il n’y a pas foule cette semaine et les efforts du musicien/chanteur/animateur ne suffirons pas a faire décoller l’ambiance. Il faut dire qu’il dédie très longuement chaque morceau à une de ses connaissances ou un artiste décédé.
La rencontre avec le boucher est plus « rentable » en terme de rencontre, il s’agit d’un couple de français qui ont ouvert la boucherie depuis 8 mois, Il nous semble qu’une petite communauté française est installées ici au sud de Grenade et globalement, ils semblent heureux de leur sort (taxes à 20% et rien d’autre), nous confirment que les grenadins ne meurent pas de faim, se servent dans la nature ou peuvent gagner 10 $ par-ci par-là en proposant de travailler chez les commerçants par exemple. A peine font-ils état de la lenteur générale (ce sont les Antilles quand même) et à leurs dires, la population de Grenade est très gentille et essaie de bien faire avec sérieux.
Somme toute, comme nous rentrons tôt et que nous avons dédiés l’après-midi à l’informatique grâce à un improbable internet de qualité correcte, la journée aura été reposante avant notre départ le lendemains matin.
Seul bémol de la journée, notre moteur d’annexe commence à faire quelques caprices. Qu’importe, nous les subissons dans la joie et la bonne humeur, insouciants de « l’enquiquinement » que nous réserve cette mécanique pour les jours suivants.
Ah la vache !!!!! Je vous vois gagner la vache …. Vous auriez pu la mettre en figure de proue. Pour un peu qu’elle n’ait pas le pied (heu, sabot) marin…. Vous avez bien fait de vous abstenir.
Encore une belle escale. Le bain au pied de la cascade donne envie.
Bises à tous les deux.