Pour notre traversée de la zone la plus inaccueillante de la mer des Caraïbes, de « Grand Cayman » au Panama, nous avons été pour le moins mal inspirés puisque nous nous sommes fourvoyés au sujet de la route à suivre; de la durée de trajet; de la fenêtre météo et des prévisions … en quelques mots, nous nous sommes « bien loupé comme il ne fallait pas … là où il ne fallait pas ».
Il devait s’agir d’une traversée en père peinard … 5 jours en ligne droite au travers d’un vent absent et de pluies éparses le dernier jour … Il nous en coûtera 7 jours de vent de près dans un champ de montagnes liquides copieusement arrosées par de systématiques orages nocturnes.
Bon, j’en rajoute à peine. Nous prenons les deux jours de retard d’entrée, et si ce n’est une « légère » correction de route pointant sur la Jamaïque, ces deux journées perdues pour « reprendre de l’Est » se font dans de bonnes conditions.
Au second soir, nous prenons enfin notre route nouvellement définie pour éviter les courants contraires et les hauts fonds des côtes du Nicaragua.
Nous déplorons quand même la casse du chariot d’écoute de génois, suppléé par une sérieuse garcette qui plusieurs semaines après est toujours en usage … c’est une assez mauvaise nouvelle pour nous car ce type d’accastillage (qui plus est, date de 37 ans) est aussi courant dans ces contrées qu’un « singe hurleur » en haut de l’Empire State Building …tout le monde l’a vu à la télévision, personne en vrai 😉
Cette seconde nuit, alors que nous nous éloignons enfin de la Jamaïque, marque le début de notre mauvaise période météorologique. Forcément, avec 36 heures de retard, la fragile fenêtre météo se referme sur nous. Donc, à l’heure où le premier prend son quart et l’autre se repose du sommeil du juste, le radar annonce un grain … si étendu, avec un diamètre de plus de 6 miles nautiques en expansion, qu’il n’est pas question de l’éviter.
Comme un haut fond nous refuse la fuite vers l’Ouest (à 10 miles, une grosse heure dans ces conditions), nous choisissons de rentrer les voiles et d’affronter le mauvais temps au moteur. À ce moment là, l’orage nous « tombe dessus » avec moult éclairs, cataractes ininterrompues d’eau et grosses rafales … autrement dit … nous avons deux minutes de retard pour les manœuvres … comme des bleus … comme si nous n’avions rien appris de deux ans de navigation … honteusement en retard.
La bataille pour rentrer les voiles est donc sérieuse, la pluie déchaîne sur nos têtes des hectolitres d’eau et le vent fort nous oblige pour la première fois de notre voyage à utiliser un winch pour enrouler le génois.
Dans la bagarre, Eole, sans doute contrarié de nos efforts, emporte la bouée de survie et sa lampe à retournement. Je la regarde s’éloigner sous l’orage nocturne sans autre pensée que de constater le bon fonctionnement de l’ensemble.
À ce moment, Manuela constate 12 nœuds de vitesse au gps pour 35 nœuds de vent arrière … (je fais le calcul pour vous … 47 nœuds de vent vrai … sans commentaire.)
Heureusement, nos manœuvres s’achèvent vite, sans autres pertes, et quelques minutes plus tard, nous faisons route au moteur … trempés et fatigués … mais saufs.
… Nous ne sortirons de l’orage que 6 heures plus tard …
Et c’est ainsi que les 5 jours suivants s’enchaînent dans l’inconfort, rien ne sèche vraiment à bord et l’humidité se fait sentir, (très) grosses vagues de travers qui s’invitent sur le pont le jour, partie de cache cache avec les orages la nuit. Nous avons quand même plus de réussite et ne nous faisons plus prendre par surprise.
C’est un jeu éreintant qui, si l’on souhaite vraiment l’emporter, nous impose une veille constante et de perpétuels ajustements d’allure et réglages de voiles, mais ainsi, nous ne vivons pas d’autres « gros événement » avant l’ultime nuit de navigation.
Le problème de l’atterrissage après une semaine de navigation est que nous ne disposons pas vraiment comme bon nous semble de notre heure d’arrivée. Il est évidemment difficile d’accélérer quand l’objectif a été, 5 jours durant, de parcourir le chemin aussi vite que possible … mais aussi (c’est psychologiquement subtil) de ralentir …
Nous arrivons donc à quelques heures des côtes Panaméennes à la tombée de la nuit. Comme les orages sont encore (et toujours) de la partie. Nous passons la nuit au moteur à faire des ronds dans l’eau pour éviter les zones de pluie … comme les autres nuits en somme … mais sans avancer vers notre but.
Au lever du jour, les orages grondent toujours, et partout bien que plus faiblement, quand il nous semble apercevoir une trouée dont nous pouvons profiter pour nous précipiter vers la côte, ses eaux calmes et ses abris. C’est au cours de ce dernier effort, à l’heure du quart de Manuela que le dernier orage se reforme sur nous et malmène notre Takoumi une dernière fois avant d’atteindre notre but : le Panama, nous y sommes enfin !
Oh la la, ça fait peur rétroactivement…. Sale temps Pour les loulous….. Bises
Oh, ça avait l’air bien mouvementé cette traversée ! Heureux de savoir que vous êtes finalement arrivés à bon port !
Et ben dites donc, pas de bol! Vite s’éloigner de cette zone ou attendre le bon temps…
Ouf bien arrivés ! C’est donc ça la douceur caribéenne ? Tenez bon et ne vous penchez pas trop 😉