C’est une longue navigation de deux nuits (détour compris) qui nous amène à frapper aux portes des Bahamas ! Deux nuits, cela paraît long, mais comme nous n’avions pas la possibilité de partir tôt le matin et que nous souhaitons autant que possible éviter les arrivées de nuit désormais, le choix est vite fait.
Nous naviguons donc bien plus au nord que nécessaire avec en objectif le passage entre Great et Little Inagua qui doit être splendide quand on le passe de jour … Pour nous, c’est la nuit et déjà ce premier contact avec les Bahamas nous interpelle. Pas une lumière ne s’échappe, pas un seul signe d’activité humaine, rien ne trahit la présence de ces îles cachées dans l’insondable obscurité d’une nuit sans lune.
Ce n’est pourtant pas tout à fait exact, nous ressentons la présence de l’invisible Little Inagua dans le calme de la mer protégée d’un bon vent qui nous propulse dans une profonde sérénité.
Au matin, après avoir contourné Great Inagua, nous découvrons la côte de Matthewstown, le port d’entrée que nous avons choisi. Nous y voyons bien des bâtiments, mais pas un seul ponton n’est en état de nous accueillir, alors, bien que la profondeur y soit sujette à caution, il nous faut nous contraindre à entrer dans la marina, ou plutôt, la future marina qui n’est à l’heure actuelle qu’une trouée vaguement rectangulaire dans la côte pourvue d’un unique quai déjà délabré qui deviendra peut-être un jour la station d’essence.
L’accueil de la douane est vraiment sympa ici, ils viennent nous chercher en voiture officielle pour nous amener aux bureaux des douanes et de l’immigration. Ils sont souriants, affables et ne rechignent pas à engager la discussion avec nous. Il y aura même des sujets de plaisanteries et de cuisine avec la charmante préposée des douanes. Bon, c’est certain, le cruising permit à 300$ est hors de prix, mais au moins, eux, y mettent la manière.
Immédiatement après, laissés à nous-mêmes, nous prenons le chemin du retour par une route presque vide, version « antillaise » du désert d’un décors de film américain.
Notre solitude ne dure pas, quelques minutes plus tard, pris en stop par le Captain Forks, qui aura à cœur de nous faire visiter la ville, nous trouver les commerces ouverts et du pain frais, enfin, nous montrer l’implantation de son projet de Bed & Breakfest face à la mer. Cet homme serviable et communicatif, dont l’espoir est que nous restions plusieurs jours pour animer son week-end, est un peu collant quand même et ce n’est qu’au deuxième tour de la ville quasi déserte que nous parvenons à le convaincre de nous ramener à notre bateau.
Il n’est point d’expédition sans histoire, et c’est au moment d’embarquer que notre quiétude tourne au chaos et à la panique.
À peine les pieds posés sur le pont de notre vaillant Takoumi que ce dernier se détache du quai et entreprend un demi-tour des plus malvenus dans l’espace réduit de la presque marina.
Finalement, tout se passe dans le cafouillage complet mais sans heurts, nous n’aurions pas perdu le bateau, mais il aurait pu y avoir de sérieuses conséquences à frayer le long des quais agressifs ou encore se poser dans une zone insuffisamment profonde. J’ai une nouvelle règle, quand un type collant cherche à aider dans une situation scabreuse, la première chose à faire est de s’en débarrasser. Nous serions restés bien plus calmes et efficaces si notre tandem avait agi seul.
Du coup, nous profitons de la situation pour déserter le port et nous diriger vers la grande baie de Man O War où nous trouverons un mouillage confortable et calme. Manuela reviendra de son premier bain aux Bahamas avec un sourire béat aux lèvres … « je n’ai jamais rien vu d’aussi joli » que ces fonds constellés de patates de corail.