Depuis notre retour, travail, repos et visites conjuguent notre quotidien et un beau matin, alors que le bateau est prêt, l’envie de bouger est plus forte et il est temps pour nous de reprendre nos marques sur la mer.
Pas une grosse traversée pour la reprise, non, une petite escapade de « week-end » pour retrouver le mouillage « du bois joli » aux Saintes que nous apprécions particulièrement et qui nous semble une destination idéale, éloignée de dix miles à peine, pour nous remettre le pied à l’étrier. Mais voilà, « l’étrier » est un terme d’équitation, pas de marine …
Le jour J, nous sommes levés dès potron-minet, comme tous les jours depuis notre retour car nous veillons à conserver le bénéfice du décalage horaire pour travailler le matin dans une fraîcheur toute relative … A la « presque fraîche » donc, je me lance dans le redémarrage du moteur d’annexe, histoire de finir au plus tôt pour nous garantir un départ avant midi. Mais voilà, le capricieux moteur refuse tout service avant 11 heure, et surtout avant de m’avoir « arraché » les bras à longueur de tentatives de démarrage. Qu’à cela ne tienne, le mouillage convoité est proche et comme nous sommes exténués, nous décidons de déjeuner dans un endroit où nous n’aurons ni cuisine ni vaisselle à faire avant de partir … pas une mauvaise idée en soi, mais à notre retour, il nous reste encore toutes les amarres du quai que nous ne pouvons laisser en vrac et qu’il nous faut dénouer et ranger si nous souhaitons conserver notre image bon teint de voisin soigneux … une demi heure de lutte avec quatre nœuds tous récalcitrants et voilà notre repos « dejeunatoire » consommé et oublié juste avant de partir …
A ce moment là, nous avons un doute, il est quinze heures et le soleil se couche vers dix-sept heures trente, ça va faire juste, mais c’est jouable et nous avons tellement envie de partir que eh bien … nous partons … certes éreintés, mais heureux et confiants de notre coup … au pire, nous arriverons juste après le crépuscule … Ben voyons ! Ce n’est pas comme si nous en étions à notre première erreur d’appréciation, mais nous arrivons au mouillage à près de vingt heures, soit trois heures après nos meilleures estimations et plus du double de temps de navigation.
L’exécrable précision de nos estimations trouve bien entendu son origine dans notre infaillible optimisme, c’est certain, mais pas que … après quatre mois de stationnement dans les mers chaudes, la carène de Takoumi ferait pâlir de jalousie les jardiniers chargés d’entretenir les murs végétaux qui égayent la place de la Nation. Du coup, en plus d’une lourdeur dans les manœuvres de port, nous redécouvrons un bateau devenu asthmatique … pas plus de trois nœuds là où nous en attendions cinq au même régime moteur, bien aidé il est vrai par un vent et une mer contraires, mais quand même … il va y avoir du boulot au prochain carénage !
A ce moment là, nous devrions mettre les voiles (ou la « patate Perkins ») en sortant du port pour gagner quelques dixièmes de nœuds … c’était sans compter sur les hasards de la mécanique et de l’électricité. Au chapitre des absents à l’appel, nous trouvons le loch (ou compteur de vitesse) et le … pilote-auto. Nous commençons par nous mordre les doigts de ne pas avoir fait de tests avant le départ et comme cela ne nous fait aucun bien, nous préférons les utiliser pour réparer.
Dans un premier temps, le pilote, car il nous semble que le « relais auto » est à nouveau en cause … une bonne demi-heure de recherche alternée pour retrouver cette fichue pièce de rechange et deux minutes pour la remplacer, vous y croyez vous ? Parce que nous nous y croyons, et pour du beurre en plus, car le vilain pilote refuse toujours de reprendre du service.
Bon, « tant pis », nous passons au loch, au moins pour connaître la vélocité à laquelle nous n’avançons pas. Un petit fil rebranché plus tard et nouvelle déception … toujours inanimé … à ce moment là, nous savons que nous ne serons jamais avant la nuit au mouillage et qu’au troisième « machin qui pète » nous pourrions passer d’une situation risible à inconfortable.
Plutôt que de rebrousser chemin, nous persévérons quand même dans la recherche de la faille qui nous crève les yeux … et effectivement, l’énormité du gros branchement électrique débranché n’aurait jamais dû nous échapper.
Une fois la faille comblée, nouvel appel et « oh! », miracle, le pilote accepte de reprendre son activité longtemps abandonnée. Par contre, le loch a un comportement curieusement curieux qui n’est résolu qu’une fois le fameux petit fil à nouveau débranché. Comme quoi, parfois, il est tentant de « réparer » ce qui ne devrait pas l’être et il est facile de se faire promener par un circuit électrique « un peu » vieillot.
Enhardis par notre équipement retrouvé, nous décidons enfin de mettre les voiles. Sacreubleu ! Nous ne sommes pas là pour nous tourner les pouces !
À cause de nos vacances prolongées qui nous ont quelque peu rouillés, nous décidons de prendre un ris dans la grand voile, histoire de conserver un chouïa de marge quand nous arriverons dans le « canal des Saintes à la Guadeloupe » et de ne pas nous faire surprendre comme des poussins frais sortis de couveuse …
Et bien les poussins auraient mieux fait de mieux préparer leur sortie !
A la première levée, la voile a une allure bizarre … en forme de sac de patates mal tendu … pourtant, nous les avons serrés à bloc ? Comprend pas … l’étude de nos prises de ris révèle la cruelle vérité, nous les avions si scrupuleusement préparés au port que nous n’avons même pas remarqué que nous les prenions dans les mauvais œillets … Et quand les poussins doivent passer vingt minutes sur un pont balloté par la houle pour défaire sa propre bêtise, refaire les choses bien ou presque, eh bien, les poussins râlent …
Et oublient vite, puisqu’une fois le bon ordre et l’équilibre général retrouvé, nous retrouvons la sérénité et la plénitude de la navigation à voile le temps d’un long bord de près qui nous emmène sinon à la vitesse espérée, sinon là où nous souhaitons, au moins dans la bonne direction 😉
A moins d’une demi-poignée de milles de la première île, nous préférons éviter de louvoyer et affalons les voiles aux derniers moments du crépuscule pour relancer le moteur et finir notre périple autant que possible sur le bon chemin. Bien nous en prît, car nous finissons ce petit trajet de reprise sous des trombes d’eau dans une atmosphère chargée de pluie qui nous cache les abords de l’île pourtant à quelques longueurs de là.
C’est donc à l’aveugle et à un train de sénateur en déambulateur que nous entrons au cœur de l’archipel des Saintes, où les vents mollissants balaient les derniers nuages de pluie pour nous garantir un atterrissage confortable et une prise de bouée effectuée dans les meilleures règles de l’art. Au moins profitons nous de la douceur du mouillage avant de nous coucher.
De là au moment où je vous écris, il n’y a plus que le bonheur d’être au mouillage et de n’avoir rien d’autre à faire que de s’y reposer ! Farniente, promenade en tuba et lecture au menu, nous nous remettons proprement de notre petite reprise 😉
Je trouve que la plus belle image est celle du sénateur en ambulanteur, il fallait la trouver celle-là!
Je suis bien de cet avis et nous l’avons trouvée très bonne ! Mais si Takoumi ne fait pas plus d’efforts et continue à se trainer comme un sénateur en deambulateur nous ne sommes pas prêts de vous voir revenir !