Voilà plus d’un mois que nous vivons au rythme des alizés, des vagues, des mouillages et des îles. Et notre silence sur le blog reflète bien la déconnexion quasi-permanente qui accompagne la vie de nomades que je qualifie enfin. Parce que j’ai bien le sentiment que quelque chose a changé dans notre quotidien durant ces dernières semaines : ce qui était une aventure jusque-là s’est muée en quotidien sans crier gare, une vie à part entière dont l’essence est le changement constant.
Ainsi depuis un mois nous vivons au rythme des escales, des procédures singulières de clearance, des différentes langues, monnaies, taux de change et taxation, des prix de la consommation, des services souvent rares et le plus passionnant : des diverses rencontres et récits d’aventure et de mésaventure de ceux devenus nos « voisins » de notre belle et grande résidence » la mer des Caraïbes ». En réalité, celle-ci nous paraît de plus en plus petite au rythme de la fin de la saison et nous naviguons ensemble à plusieurs bateaux ou retrouvons les mêmes d’escale en escale. Cette co-navigation fut une excellente surprise au cours du voyage, que je n’avais pas prévue ni même imaginée. Mais il faut aussi le dire : nos voisins et violons s’accordent en admettant que la culture nous manque un peu et que la fraternelle solidarité des voyageurs de plaisance vient à point nous réchauffer le cœur à ce stade de notre périple.
Où en est-il d’ailleurs, ce périple me demanderez-vous?
Eh bien nous avons d’abord quitté la France via Deshaies pour Antigua, ancienne colonie anglaise qui nous accueillit festivement pendant leur « Saling week ». Le mouillage de Freeman Bay nous a beaucoup plu d’où nous avons pu visiter Nelson’s dock Yard, un lieu unique et historiquement stratégique pour dissimuler les flottes en guerre et les entretenir.
Le soir venant, nous avons pu profiter des stands de « Street food » montés pour l’événement. Nous avons partagé notre table et impressions avec Selena, une écossaise, Chef cuisinier sur un trois mats classique, nomade depuis 4 ans sur différents navires. Nous parlons évidemment cuisine et rions du début de la traversée alors qu’elle avouait devoir nourrir un équipage tout entier souffrant atrocement de mal de mer!?
Notre stand est une affaire de famille – Carol et Dinghy son beau frère s’alternent au barbecue et je me balade entre les grosses marmites pour apprendre leurs secrets créoles – riz parfumés, langouste, travers de porc grillės, « corn on the cob », poulet, steak haché et boules de pain sucrées considérées comme un parfait accompagnement….le courant passe chaleureusement avec Carol qui nous pose des tas de questions sur notre aventure. Et lorsque nous lui apprenons nonchalamment et plutôt fiers que nous n’avons plus de maison, Carol insiste pour nous offrir de quoi nous rassasier le lendemain – Olivier et moi sommes infiniment gėnés mais forcés d’accepter au risque de vexer notre nouvelle copine Antiguaise…
Nous quittons la fête pour la très jolie Green Island entourée de ses barrières de corail honteusement abîmées. Il n’y a rien à Green Island, ce qui nous plait assez pour y rester deux jours…
Mais la notion de « rien » prend pleinement son sens lorsque nous arrivons à Lower Bay à Barbuda, 25 miles au nord-est d’Antigua….c’est une plage de plus de dix kilomètres devant laquelle seuls 3-4 bateaux se sont aventurés épars. En fait, cette immense plage est une dune quasiment inhabitée qui sépare la mer d’un vaste lagon en face duquel le seul village, Codrington, au centre de l’île, se protège du rude climat tropical.
L’épreuve qui nous attend maintenant est d’y parvenir afin d’effectuer les formalités de sortie du territoire. Nous embrassons cette nouvelle aventure en rejoignant la plage à la rame en maillots de bain avec notre sac étanche dans l’éventualité de nous faire embarquer par les rouleaux dont la résonance et la blancheur de l’écume nous annoncent la difficulté…Stratégiques néanmoins, nous visons le centre de la plage où nous avons aperçu une construction isolée et un homme élaguant un palmier…Seule présence humaine dans ce lieu désert et envoûtant. Il s’agit de Clifford qui nous propose tout de suite ses services de taxi boat nous permettant de rejoindre Codrington. Clifford fera plus que ça en nous accompagnant dans les 3 lieux de formalités requis – l’office du tourisme, les douanes et l’immigration – aux 3 coins du village quadrillé tel un quartier typique de n’importe quelle agglomération des États-Unis – les cases en guise de demeures et sans panneaux de circulation. Notre hôte Barbudien nous apprend que l’île est peuplée essentiellement de très jeunes enfants de moins de 13 ans et que les parents ne trouvent pas beaucoup de travail. Ils vivent de salaires ridicules en travaillant 3 heures par jour pour 150 dollars EC par semaine (50 euros!). L’île est peuplée de 1200 habitants venus surtout des îles voisines. Il ne reste que 400 Barbudiens de souche, la plupart ayant émigré définitivement aux EU ou au Canada. Clifford apprécierait que son gouvernement simplifie l’accueil des plaisanciers comme nous – ce qui est peu probable selon lui.
Suite à ces formalités pas comme les autres, nous recherchons quelques produits d’avitaillement courant et l’aventure continue aux confins du village dont les routes ne sont plus qu’allées de terre sableuse et cuisante sous un soleil de plomb. Nous rentrons ainsi chez plusieurs habitants qui vendent chacun quelques bricoles dans leur case. Nous finissons par trouver ce que nous cherchons chez Lonette – dans son salon où elle a étalé riz, pâtes, café etc. Devant la maison nous sommes salués par toute la famille dont une grand mère assise tranquillement comme les autres, à ne rien faire, et qui fume – vous le croirez – un joint de hachich conséquent et odorant! Bel exemple de culture créole ?. Le mouillage est paradisiaque, mis à part d’étranges petites bêtes envahissantes et une odeur particulièrement forte et inexplicable au coucher du soleil. Cette étendue de sable nous ensorcelle et l’eau turquoise y est démoniaque de quiétude. Nous la quittons néanmoins péniblement en fin d’après-midi en direction de la prochaine île – française cette fois – Saint Barthélémy. Une belle nuit de navigation s’annonce pour y arriver au petit matin.
C’est une aventure merveilleuse et vous êtes presque devenus les »gens des bateaux » , mais rassurez-vous, vous allez retrouver en France peut-être la culture mais surtout le bordel habituel renforcé par les grèves de partout, les queues aux pompes d’essences les raffineries bloquées. Je me demande si vous n’auraient pas envie de repartir vite!
Bienvenue quand même à Toulon en juillet. Grosses bises.
Viva Carol , Clifford et Barbuda ! Encore de belles rencontres et des lieux magiques ! Vous allez revenir la tête et le coeur pleins de souvenirs et nous vous attendons de pied ferme et avec impatience pour entendre de vive voix vos récits de voyages. Que de fois vous aurez à les répéter…… compte tenu de tous ceux qui attendent votre retour !
Nous vous embrassons très fort.